Dans le numéro de février de La Nef, on peut lire un article de Jean Bernard consacré à Traditionis custodes, comparé à la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Ainsi, « [celle-ci] fut non seulement une faute morale et une catastrophe économique [en réalité, si les pays protestants y ont gagné financièrement, la France n’a rien perdu, preuve en est son dynamisme remarquable grâce au volontarisme de Colbert et au rayonnement de nos manufactures dans toute l’Europe] mais également un piteux échec : la destruction des temples et les dragonnades n’empêchèrent nullement la reconstitution d’un protestantisme clandestin et provoquèrent même des révoltes sporadiques ».
Ce genre d’argument, propre à un système de diabolisation morale, participe d’une idéalisation de la liberté contraire aux faits. Certes, la foi en Jésus-Christ a gagné les cœurs pacifiquement, par capillarité, mais pour s’enraciner définitivement, la lutte contre le paganisme, par Théodose, s’imposa à partir de 480. Pour donner la liberté aux missionnaires de prêcher en paix, encore fallut-il écraser la Saxe, qui menait une terrible guérilla en zone franque frontalière. Or, si Charlemagne avait mené une politique anti-chrétienne, l’Eglise l’aurait renié, au lieu de tolérer sa dévotion (béatifié, sa fête est le 28 janvier).
L’édit de Nantes eut des conséquences néfastes : « Là où les protestants sont majoritaires, rappelait Jean Sévillia, les prêtres subissent des injures, les processions ou les images saintes sont moquées […], on cite le cas de paroisses catholiques converties de force par leur seigneur haut justicier » (Historiquement correct, 2003). Sans compter les révoltes sous Louis XIII, depuis les places fortes accordées aux hérétiques où ils étaient maîtres absolus… L’édit de Nantes était un acte pragmatique destiné à ramener une paix matérielle afin qu’Henri IV puisse exécuter les réformes nécessaires à l’amélioration de la vie des Français. On a reproché au Roi-Soleil de ne pas autoriser les protestants à fuir à l’étranger, il faut alors préciser qu’on ne les a pas obligés à la conversion : seuls les pasteurs, le culte et les temples étant supprimés, ils doivent choisir entre l’Eglise ou l’exil. L’article 12 est clair : « Nos sujets de la religion prétendument réformée pourront demeurer dans le royaume sans abjurer, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de les éclairer. »
Bien sûr, dans les années précédentes, il y eut les dragonnades, les soldats logés chez l’occupant avec les abus ignobles que cela engendre. L’on sait aussi que Louis XIV a été trompé sur la réalité des conversions dans le Poitou et dans le Languedoc, pour le convaincre de promulguer un édit qui, finalement, ne contraindrait pas grand monde… Mais cela ne remet pas en cause la nécessité de l’unité spirituelle, qui a toujours été le but recherché par les princes chrétiens, Isabelle la Catholique n’a pas agi autrement avec les Juifs et Philippe III avec les Maures. Il en allait de la validité des serments, de l’honnêteté des transactions commerciales, de la cohésion entre une communauté et les représentants de l’autorité, bref, de la paix sociale ! « Si les protestants l’avaient emporté, affirme François Bluche, ils ne se seraient pas gênés pour convertir les catholiques de force » (Famille chrétienne, 9 avril 1998).
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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