Saint Michel-Archange défendez-nous dans les combats
- Academia Christiana
- 7 déc. 2020
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« St Michel Archange défendez nous dans les combats »
« Si vous êtes déjà St Michel au péril de la mer. Devenez donc aussi Saint Michel au péril de l’air. » L’abbé Christian Venard est aumônier militaire depuis vingt-deux ans, dont quinze années passées dans les troupes parachutistes de l’Armée française. Finalement, un vrai habitué de ce péril de l’air, un padre qui aura côtoyé la descente de St Michel bien plus d’une fois… Connu pour son célèbre livre « Un prêtre à la guerre », l’aumônier qu’il est a délaissé le béret rouge pour être aujourd’hui l’aumônier de la force publique monégasque ainsi que le délégué épiscopal de l’archidiocèse de Monaco. Il a accepté de revenir sur ce modèle qu’est St Michel, chef des légions céleste et réelle figure emblématique pour notre temps.
Fêté le 29 septembre, St Michel Archange est le patron des parachutistes, mais d’où nous vient cette signification ?
C’est une immense histoire d’amitié qui lie les parachutistes à l’archange St Michel. La dévotion des parachutistes à St Michel a été consacrée par le père Jégo résistant durant la seconde guerre mondiale en Bretagne. Illuminé par on ne sait quelle lumière, son idée d’utiliser des médailles frappées à l’effigie de l’archange comme signe de reconnaissance entre parachutistes français et anglais pour échapper aux allemands, semble venir d’une inspiration divine. Au-delà de l’aspect stratégique, ce choix n’est pas sans signification. Tout comme les parachutistes, St Michel est tombé du ciel pour mener le combat terrestre et comme tout bon breton qu’il était, le père Jégo en a profité pour faire un superbe clin d’œil aux ennemis normands en rappelant que le Mont St Michel était bel et bien breton.
A la fin du conflit la question de la mise sous protection des régiments a été immédiate (le souci d’une laïcité n’étant pas encore strict). Ce patronat est réellement devenu fort sous la guerre d’Indochine. Les morts ne se faisaient que plus nombreux dans les rangs, les corps sans vie se comptaient par milliers dans les rizières, n’ayant même pas le droit aux derniers honneurs. Le père Jégo, ainsi que d’autres aumôniers militaires comme le père Delarue, ont alors l’idée de faire de la fête de la St Michel une fête d'armes avec une messe et un vrai temps de recueil pour rendre hommage aux hommes tombés sous le drapeau. Cette première fête de la St Michel sera même retransmise vers la métropole et l’abbé Jégo terminera son homélie en clamant « Et par St Michel vive les paras ! », consacrant ainsi les bérets rouges à la protection du saint commandant des légions célestes. Ils feront d’ailleurs créer une médaille spéciale frappée comme pour les anciens, qui sera donnée à chaque parachutiste avant son premier saut.
Bien qu’il soit dit que l’armée est laïque, qu’elle est et comment expliquer la place des saints et de la religion au sein même de l’institution ?
Alors non ! Nuance, l’armée est neutre, elle n’est pas laïque ! Le principe est lui-même consacré dans le code du soldat. Pour autant, les armées en leur sein ont le droit d’avoir des convictions tant politiques que religieuses, et ce au fondement de la constitution de 1958 qui s’adosse à la DDHC avec la proclamation de la liberté de culte. L’Etat se doit alors de respecter cette liberté car de lui-même il va placer ses citoyens dans des endroits où ils ne peuvent exercer cette liberté. Ah il est vrai qu’en Afghanistan la soutane doit être sûrement plus présente que le kami ! En réalité, c’est pour respecter cette liberté que l’Etat a fait une exception à la loi de 1905 en reconnaissant et finançant des cultes, enfin plutôt des aumôniers. Bien que la plupart ne soit pas croyant, la tradition para est une réelle fierté des militaires. Ancrée, coulant dans les veines de chaque béret rouge bien que d’origine catholique, cette tradition englobe tous les hommes de toutes religions, St Michel étant même reconnu dans les autres religions. En tant qu’aumônier, je ne pense pas avoir connu moins de 0.001% de militaires qui n’étaient pas heureux d’avoir St Michel comme patron. La messe se trouve bien entendu au cœur de toutes ces festivités, même si l’idée n’est pas de faire un cours de catéchisme mais bien celui de faire témoignage, mémoire et honorer ceux qui sont morts sous le béret rouge.
J’ai recueilli le dernier souffle des parachutistes, de vrais héros devenus la cible visée par Mohamed Merah en réponse à l’engagement en Afghanistan du 17e RTP, régiment auquel ils appartenaient. Je peux vous dire que le catholique et le musulman qu’ils étaient reconnaissaient amplement St Michel archange comme gardien de leur engagement pour la patrie.
Après ces 22 années à avoir été appelé le « padre au béret rouge» que pouvez-vous nous parler du rôle d’un aumônier au sein de l’armée ?
L’aumônier militaire que j’étais avait deux fonctions. Assurer le culte et le suivi pour les militaires qui le désiraient, ainsi que les sacrements qui ne vont pas sans un certain catéchisme pour les catholiques. Bien sûr nous ne faisons pas de prosélytisme, le rejet n’étant alors que trop souvent une réponse. « Soyons présent sans jamais être pesant ». L’accompagnement spirituel est aussi humain, en tant qu’aumônier je suis un homme parmi les hommes mais surtout un homme sans grade. Je m’amuse à dire que je suis la valeur ajoutée du régiment de par ma proximité, on vient souvent me parler comme on parle à un père.
L’image la plus forte que j’ai en tête et que je prenais en modèle est celle du bienheureux Charles de Foucauld. Mon maître mot : Être une présence de l’Eglise sacerdotale mais gratuite ! Je ne voulais pas qu’un de mes parachutistes me disent avant de mourir « Je n’ai jamais connu l’Eglise ! »
Parfois bien sur on s’interroge, on doute, on ne voit que très peu le résultat de notre apostolat auprès des militaires, mais le temps de Dieu n’est pas le notre. Charles de Foucauld était une présence chrétienne chez les musulmans, témoignage vivant de la foi, martyr de sa foi mais ce n’est qu’après son assassinat qu’on a pu constater la floraison de bienfaits qu’il avait accomplit au service du Christ. Encore une fois, il nous apprend qu’il faut qu’on soit suffisamment missionnaire pour être capable de se confronter au monde païen qui nous entoure, sans une logique d’immédiateté où nous aimerions voir tout de suite des fruits poussés.
En quoi par l’exemple de l’archange St Michel nous pouvons être certain de la victoire du Bien sur le Mal ?
C’est dur d’en être sûr, il est vrai. On se doit de s’appuyer sur notre foi, on ne peut pas expliquer quand on est sûr que le Christ a vaincu le mal sur la croix. Je continue à faire confiance au Christ, abandon total dans une espérance théologale.
Ensuite, si on veut partir d’une base philosophique on peut dire que l’existence est un bien, donc le mal est une non existence soit une négation de l’être. L’être est le bien supérieur donc tant qu’il y a l’être il n’y a pas la victoire du Mal. L’image de l’archange est semblable à Dieu dans le combat, la victoire sur Terre ne se fera que si nous en tant que chrétien nous nous livrons à notre premier combat : réduire le mal qui est en nous même. Oui le combat est à la fois interne et externe. Le camp du bien ne gagne pas toujours, mais il ne remportera pas la guerre. La bataille est le péché et elle est constante, la foi apporte une aide profonde et est notre bouclier dans les moments de doute, d’échec.
Au vu de votre expérience sur le terrain et notamment l’épisode profondément marquant où vous avez dit « avoir sentie la grande faucheuse » quand les militaires tués par Mohamed Merah ont expiré dans vos bras, comment qualifieriez vous le rapport du chrétien à la mort ?
La mort tant physique que politique est une peur intrinsèque à nous même. Dans notre humanité on voit que Jésus a subi la terreur de la mort aux jardins des oliviers, des gouttes de sang ont coulé sur son front mais il nous dit aujourd’hui « N’ayez pas peur j’ai vaincu ! » Les parachutistes font pareil et dans leur prière ils proclament « Je ne suis pas toujours sûr d’avoir le courage te le demander ». Si nous sommes ancrés dans la foi en vivant d’elle, en parole et en acte nous serons sauvés !
Suite aux diverses attaques sur le sol français de l’islamisme que pensez-vous de la situation de la France et de la situation de la chrétienté face à cette menace ?
« N’ayez pas peur ! » nous déclarait le pape Jean Paul II. Et pourtant c’est vrai qu’en voyant les chiffres ont pourrait prendre peur ! Il n’y a plus que 1% de français pratiquants, même un imam lors d’une opération m’avait gentiment lancé « Je ne comprends pas, je ne vois pas beaucoup de tes fidèles venir à la chapelle ! » La situation est terrible, car les musulmans sont persuadés que la France est un pays athée dans la pratique, et en même temps comment leur prouver le contraire quand nos chapelles sont vides ? Il faut vivre de sa foi, ne pas être des catholiques de papier et être capable de témoigner à la fois par une cohérence de vie et d'un dialogue auprès des musulmans.
Alors oui, j’appelle à une entrée en relation avec les musulmans mais sans naïveté cependant. Pour eux, l’islam est la vérité et c’est tout. En effet, aucune autre religion à part la notre n’a d’université pontificale qui étudie l’islam. Ne nous trompons pas de combat ! Il y a une réelle nécessité de se former, d’être intelligent en réalisant qu’il n’y a pas de conflit religieux mais un réel combat politique, l’islam étant dans sa propre nature politique.
Mais finalement, le premier combat commence aujourd’hui, par une conversion personnelle.
Enfin, vous avez appelez à maintes reprise le catholique à réinvestir le champ politique : pensez vous dès lors que catholicisme et politique sont compatibles ?
Alors, le chrétien ne peut pas investir le champ des partis, à l’heure actuelle cela n’a jamais été couronné de succès. Et à partir du moment où d’aujourd’hui la base des partis est de reconnaître l’avortement comme droit premier de la femme, je pense qu’il est compliqué alors pour un chrétien de se mêler au jeu des partis.
Ça ne sert a rien de brandir la Croix du Christ et marcher pendant trois jours à Chartres si, là où je suis je ne commence pas à faire mon devoir d’état en fonction de mes capacités. Trop souvent le catholique se contente vite de peu de choses.
La capacité à exercer les vertus chrétiennes est la meilleure manière possible de mener une vie droite et cohérente. Un officier catholique qui irait à la messe mais qui ne serait pas bon dans l’exercice de ses fonctions donnerait un contre témoignage. Mais, le pire contre-témoignage que nous avons aujourd’hui est la pédophilie. Par ces atteintes, c‘est à tout le corps de l’Eglise que le mal est fait, en dénaturant le message du Christ.
Encore une fois, St Michel est le parfait exemple du combat contre le mal, qui n’est pas possible si notre combat ne commence pas sur nous même.
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