Noël 2030, banlieue parisienne.
Toute la famille est réunie derrière l’écran plasma géant. L’objet futuriste et rutilant a été subventionné par le Ministère du revenu inconditionnel, qui récompense par ce cadeau les citoyens dont le carnet de vaccination intra-cutané est à jour (Covid-32).
L’écran est divisé par une grille de programmes, des carrés sont alignés comme les pièces d’une mosaïque. En haut à gauche, dans le coin, Mamie attend qu’on s’intéresse à elle, tandis que Papi est déjà branché sur la nocturne du Crazy Horse : un hologramme se déhanche sur la table basse du salon. « Papi, gros cochon ! » s’écrie Harlem-Adama, le haut-potentiel de la famille, chouchou de ses parents adeptes de l’éducation positive.
Au centre de l’écran, en 16:9, le film Taxi 12. Le reste de la fratrie recomposée, majoritairement composée de mineurs afghans isolés, s’endort, ivre, devant les bouffonneries de Kev Adams. Chacun, bien au chaud dans sa bulle de plexiglass, déguste sa bûche garnie de crème fouettée au lait de soja. « Petit Papa Noël ! » chante le petit dernier en dégommant une série de barbus en rouge et blanc sur son jeu vidéo à réalité virtuelle augmentée.
Nous sommes en 2030, Sibeth Ndiaye est présidente de la République inclusive et Marion Séclin, YouTubeuse féministe, vient d’être nommée déléguée interministérielle au respect des gender fluid. Dans le coin inférieur de l’écran, tourne en boucle son discours de la veille, en faveur d’une loi contre les « stéréotypes patriarcaux liés au “Père Noël” ».
Entre temps, le projet législatif a été adopté et une notification apparaît sur la visière du petit dernier, déclenchant des hurlements épileptiques : « Ce jeu a été jugé contraire au code de respect des identités de genre. Il a été désactivé. » Des flammes rougissent le ciel, c’est la maison des voisins : les Lambert ont eu le malheur de demander aux Ben Stafoullah, les charmants squatteurs du 26 rue George Floyd, de baisser la musique… Une sirène résonne, c’est l’heure du couvre-feu, il est 20h.
Noël 2035, dans l’arrière-pays auvergnat.
Le Comité des 30, qui rassemble une trentaine de familles dans un bourg du XIXe siècle, fête son premier Noël depuis l’effondrement. L’électricité manque mais le feu abonde : chacun veille à l’entretien du foyer. A tour de rôle, les enfants assurent un tour de garde. La contrainte est devenue jeu, rituel communautaire. C’est « la garde de Noël », tous les 25 au matin après la messe de minuit. L’office de la Nativité, dit au monastère en contrebas, a réuni ces Français visionnaires, qui ont quitté l’enfer des métropoles afin de vivre côte à côte dans un de ces isolats prophétisés par Jean Raspail. Ici, pas de cadeaux clignotants, mais des bricolages en papier, de vieux livres retrouvés dans la cave du château abandonné, une pièce de théâtre préparée par les enfants et un cheval à bascule fabriqué par un grand frère pour le petit dernier. Au centre de l’assemblée, le patriarche, directeur de l’école indépendante Patrick Pearse, chante les hauts faits des aïeux. Pierre, le permaculteur qui nourrit la communauté, a été invité. Un ciel constellé d’étoiles domine les collines caressées par la brume.
Une France meurt, l’autre vagit.
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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