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Erwan Trieux

Les catholiques face à la réforme des retraites



En cette période d’agitation politique et sociale il est temps de remettre l’église au milieu du village, au sens propre : dans une France agitée des combats sociaux sur la retraite, sur la question écologique, sur la production et ses différents modes d’exploitation les catholiques doivent reprendre leur place naturelle dans l’espace public.


Depuis la chute de l’URSS, il y a en Occident, principalement sur le continent américain mais aussi en Europe de l’Ouest, l’idée selon laquelle la question sociale ne sera plus jamais au centre de la politique et de l’actualité. Comme si la pauvreté était liée à une seule des formes de contestation sociale de la société occidentale. C’est du moins ce qu'aurait voulu laisser croire le camp libéral, ils n’avaient qu’un seul adversaire, c’était l'extrême gauche étatiste. Un adversaire bien pratique tant sa propension à la trahison et à l'échec, voire, pire, au contre-exemple par des totalitarismes meurtriers, semble commode pour le camp capitaliste. Dans un jeu de théâtre désormais plusieurs fois centenaire « Vous êtes opposé à la libre circulation des biens ? Vous devez être communiste », sorte de grand-père du « Vous êtes opposé à la libre circulation des flux humains ? Vous devez être raciste », nous étions habitués à laisser dans notre société les problématiques sociales au camp stalinien ou aux post-trotskistes des partis sociaux-démocrates.


Hélas pour nous, la chute de l’URSS n’a pas supprimé la pauvreté (incroyable ! qui l’aurait cru ? dit-il d’un ton ironique) et pire encore, le camp libéral progressiste s’est cru tout permis, c’était sans penser que, dépassant certains clivages, la question sociale pourrait revenir au devant de la scène, d’abord par la loi Travail de la ministre El Khomri en France, comme prémices de ce qui allait arriver, la population y était majoritairement opposée, la rue, tenue par quelques milliers de militants de gauche, aussi. Enfin, grosse surprise de la décennie, les Gilets Jaunes, sans syndicats, sans mot d’ordre, sans rien, le peuple était dans la rue avec au long des premiers mois du mouvement un soutien populaire assez conséquent et majoritaire. Aujourd’hui c’est le mouvement de contestation de la loi Retraites du gouvernement Borne qui remet les gens dans la rue, pire, c’est presque l’Assemblée Nationale qui est mise dans la rue avec le fameux article 49.3 de notre constitution, qui fait passer notre beau pays pour une république bananière aux portes de l’autoritarisme, aux yeux des démocraties parlementaires européennes et nord-américaine.


La question que nous voudrions poser avec cet état de fait, c’est quelle est la place des catholiques dans cette ébullition politique ? Car même si le mouvement de contestation actuel échouait et que les matraques gagnaient il n’en reste pas moins certain que le combat social continuera dans les années à venir. Si les syndicats comme la CGT semblent reprendre une habitude d’opposition claire à ce genre de réforme, il reste que cela n’est pas suffisant, les Gilets Jaunes furent bien la preuve d’un dépassement de la question syndicale tant l’opposition est générale. On pourrait aussi prendre l’exemple de la crise des pêcheurs qui mobilise principalement en Bretagne et sur les côtes normandes. Le syndicat n’est plus l’outil qu’il était au siècle dernier et si son existence reste nécessaire comme organe de lutte, son cadre ne peut plus permettre l’opposition générale qui naît dans notre société aux réformes violentes de nos dirigeants. L’opposition des gouvernements successifs à la discussion, à l’apaisement, au dialogue et le choix quasi systématique de la violence à l’encontre de la parole et de la colère populaire nous démontrent que tout est à refaire. Tout est à refaire du combat social, car l’habitude de la discussion des élites françaises venaient de la peur de la confrontation, cette peur à disparu, d’abord à cause des moyens policiers qui sont bien plus importants, du soutien temporaire de la population à certaines réformes autoritaires. C’est aussi dû à une crispation générale de la société, sa classe bourgeoise n’acceptant plus aucune critique ou moquerie (même le roast à l’américaine ne passe pas chez nous), l’ascenseur social transformé un temps en escalier semble aujourd’hui plus proche de l’escalade du Mont Blanc. Une nouvelle classe bourgeoise est née.


Alors pour un catholique, dans ce climat social tendu, que faire ? La réponse est d’une simplicité banale : imiter le Christ. Plus précisément dans un climat de violence sociale, reprendre la place sociale des catholiques et de l’Eglise, auprès des plus démunis, prendre l’exemple des différents saints qui s’inscrivaient dans une action charitable, de service du prochain, de Saint Vincent de Paul, Saint Philippe Néri, Saint François d’Assise, Sainte Claire, Saint Yves, Saint Martin, Saint Frédéric Ozanam, tellement d’exemples d’action concrète et sans compter tous les anonymes des ordres mendiants, l’exemple contemporain éclairant des Franciscains du Bronx ou de la lutte d’Emmaüs à travers l’Abbé Pierre, contre la misère. L’histoire de l’Eglise est remplie d’exemples de tous types d’actions pour lutter pour les plus démunis, pour les plus faibles, les plus petits, ceux que l’on ne regarde pas dans la rue, ceux que l’on ne veut pas voir mourir de froid, de chaud, de faim, car dans ce pays on meurt encore de froid. Dans ce pays, il y a des gens qui ne connaîtront jamais la joie de la retraite, qui après des vies de labeurs sous-payés s'effondreront à un âge que l’on croit cantonné à quelques pays en voie de développement. Plus qu’un travail pour la « dignité » comme dirait l'extrême gauche, c’est un travail de charité qu’il faut faire et que de moins en moins de personnes font. Les catholiques se sont trop longtemps éloignés en France de ce devoir impératif, l’Eglise elle aussi s’est trop souvent tournée vers des causes humanitaires lointaines, oubliant souvent les gens qui travaillent ici et passent chaque jour devant nos églises, les gens qui ne trouvent plus d’emploi.


Ce n’est pas qu’une dignité qu’il faudrait trouver dans ce travail du prochain, ce travail qui malheureusement devient de plus en plus nécessaire face à l’urgence de la situation de notre pays. Que ce soit dans l’action syndicale, dans l’action pour les plus démunis, dans la défense de nos droits individuels ou communs, pour la sécurité sociale des foyers, pour la capacité des travailleurs à trouver des emplois, à vivre correctement de leur labeur et non pas comme des robots ou des chiens, le catholique doit s’emparer de cette question et retrouver sa place dans la cité. « Comme un poisson dans l’eau », disaient les communistes. Être catholique ce n’est pas seulement des positions certes vitales sur les questions bioéthiques - si nécessaires soient-elles - mais c’est un positionnement quotidien sur l’avenir de notre société et sur notre place auprès de nos prochains. Au vu de la vie du Christ, il paraît inimaginable de vouloir vivre en bon chrétien en oubliant ce travail dans la cité, de l’engagement pour des conditions de vie meilleures et plus justes.


Il existe tout un tas de possibilités d’engagement pour des catholiques, réanimer des Cercles Saint Vincent de Paul dans ses paroisses, rejoindre des organismes déjà existants de lutte sur les différents fronts tout en défendant le point de vue de l’Eglise sur les questions sociales.


Nathan Jet


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