Alors que nous nous apprêtons à fêter l’anniversaire du premier confinement, le télétravail est sur toutes les lèvres. Un à un, les grands titres de presse se fendent d’articles ronflants et pseudo-scientifiques aux titres évocateurs : « Le télétravail est-il écologique ? », « Le télétravail, révélateur des inégalités sociales », « Le télétravail a toujours existé », etc.
En démocratie parlementaire (vous me pardonnerez l’oxymore), il est frappant de constater l’alignement des journalistes sur la mentalité court-termiste des politiciens professionnels. En effet, l’homme de média enkyste sa réflexion dans un fait de société actuel qui lui sert de pivot central. Ainsi, on voit la question des inégalités, de l’entreprise et de l’économie tout entière, à la lumière du télétravail. Nous oublions que dans « télétravail », il y a « travail ».
Mais lorsqu’on a une tête de marteau, on voit tout sous forme de clou. Cette maxime populaire se révèle particulièrement juste depuis la covidisation de la pensée, de telle sorte que nous regrettons ces débats d’avant, certes monopolisés par la bien-pensance, mais auxquels se mesuraient quelques francs-tireurs des talkshows, de Soral à Zemmour, en passant par Alain Minc, Finkielkraut et Maurice Dantec. C’était le monde d’hier, celui des Ardisson et des Ruquier, qui n’avaient pas l’allure des vénérables doyens d’Universités au XIIIe siècle mais qui volaient un peu plus haut, sur le plan de la culture générale, que le marchand de tapis maghrébin distribuant bons et mauvais points dans son Pandémonium sur la chaîne C8.
Les études récentes ont montré que notre peuple est rétif au télétravail et se montre attaché à son entreprise ou à son bureau, à ce cloisonnement sain des différentes dimensions de la vie humaine. Cela révèle aussi le rejet de la numérisation à tout crin, de la perte du contact humain et l’importance du lieu de travail comme élément phare de l’identité sociale. Ces horribles réactionnaires de Français, en rejetant le télétravail beaucoup plus fortement que les Anglo-saxons, affichent peut-être le peu qu’il reste de décence commune dans notre peuple.
Le travail est donc le lieu d’un enracinement, sa dimension n’est pas que matérielle, elle est symbolique et culturelle. C’est pourquoi les délocalisations, lorsqu’elles se justifient par une recherche indécente du profit, représentent une blessure profonde et créent le sentiment d’une spoliation.
« Le travail, c’est la santé / Ne rien faire, c’est la conserver », chantait un enfant du soleil. Constat vérifié à l’heure des bullshit jobs dénoncés par David Graeber. « Je ne travaillais que sur des choses dont je ne voyais jamais la fin, j’étais perdu au milieu de la chaîne de production », témoigne Paul Douard (Le Figaro, 21/4/2016).
On ne soignera pas ce malaise en externalisant le problème, par le télétravail – procédé engagé par le capitalisme pour ne pas se réformer, mais en concevant le travail comme une coopération communautaire, une création de valeur collective au lieu d’une guerre de tous contre tous. Pour ce faire, il appartient à l’Etat de reprendre les rênes d’une économie débridée pour la mettre au service du bien commun.
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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