Le glacier phare de Saint-Raphaël, la maison du Poussin Bleu, tenue par la même famille depuis les années quarante, vient de céder : elle a retiré de sa carte les glaces « l’Africaine » et « le Chinois », bien que personne ne se soit plaint de cette dernière auprès d’eux, précisent les patrons sur leur page Facebook.
Ils achèvent leur message de reddition sans combat par un « car au conflit nous préférons la paix, dans le respect de chacun ».
La polémique avait déjà visé, bien qu’avec moins d’intensité, le Poussin Bleu l’année dernière. Cela arrive toujours l’été et il ne faut pas s’appeler Hercule Poirot pour comprendre que des bobos parisiens, « non-binaires » et « inclusifs », s’amusent à dénoncer des artisans après leur avoir acheté un croissant sur la route de la plage.
La meute antifasciste ordinaire, comme celle qui tondait les femmes et assassinait des anti-communistes pendant l’Epuration, a donc fait plier le Poussin Bleu. Les propriétaires évoquent l’histoire de leur enseigne, comment leurs parents et leur oncle, venus d’Italie, ont travaillé pour bâtir cette petite entreprise familiale, et l’absence de modification de la carte depuis 1947.
La totalité de leurs clients raphaëlois – noirs, jaunes ou blancs – leur étaient restés fidèles et l’ont montré : sur les réseaux sociaux, aux appels à boycotter répondent les appels à consommer chez le Poussin Bleu. Malgré cet élan de solidarité, les patrons ont mis un genou à terre, et même deux, en retirant tout ce qui pouvait choquer les hyènes, devançant les exigences de leurs bourreaux.
Une telle pulsion de mort laisse pantois. On dirait le clergé français devant les recommandations sanitaires du gouvernement : toujours plus pour satisfaire nos maîtres.
N’y a-t-il pas, au-delà de la réputation Internet, une certaine éthique du commerçant qui commande de respecter d’abord les habitudes de ses fidèles clients, au mépris de la susceptibilité pointilleuse d’une clientèle future et incertaine ?
L’honneur de l’artisan n’implique-t-il pas, de surcroît, une certaine fidélité à soi-même et aux fondateurs de l’atelier, a fortiori s’ils sont du même sang ? Il y a évidemment quelque chose de répugnant dans cette capitulation anticipée. Une peur irrationnelle et un attachement captif à l’argent se fait sentir. Cela n’est pas l’esprit français.
Des internautes nous appellent à soutenir ces glaciers. Bien sûr, n’importe quel glacier artisanal mérite le soutien des patriotes français, qui boycotteront intelligemment Häagen-Dazs et autres multinationales dont le chiffre d’affaires dépend de notre addiction cancérigène au sucre industriel.
Cependant, on ne peut soutenir un sportif s’il a déjà déserté le terrain. Alors, oui, de passage à Saint-Raphaël, nous visiterons le Poussin Bleu et demanderons même aux patrons s’il peut nous faire un Africain entre deux portes. Nous lui jetterons un large sourire, un regard franc et deux ou trois mots un peu solennels pour réveiller son ardeur.
Mais au-delà du Poussin Bleu, le plus grave dans cette affaire n’est pas le militantisme antiraciste : il y aura toujours des charognards. Le vrai malheur réside dans l’absence de lions.
Julien Langella
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