Je vois les graffitis sur les murs d’Ajaccio : « Gaulois de merde » et autres insultes dirigées contre les Français. Je vois la haine de certains indépendantistes à notre égard. Je vois l’inconscience de la Macronie, qui redécouvre l’existence de la Corse quatre ans après sa rencontre avec la veuve d’Yvan Colonna, qui a imploré le chef de l’Etat pour que son enfant puisse revoir son père. Je vois la veulerie d’un Darmanin, qui a attendu la dernière vague d’émeutes pour considérer avec sérieux le fait que la Corse est dirigée par un exécutif nationaliste depuis les élections territoriales de 2021. Un ministre de l’Intérieur qui lui promet maintenant, la main sur le cœur et avec un accent bien rodé, d’entendre ses revendications.
Je vois des jeunes Corses habillés comme les continentaux, peu ou prou américanisés, mais non métissés et enracinés dans une longue histoire familiale, qui conservent une conscience identitaire et un courage (il en faut pour aller au corps-à-corps avec les gendarmes et partir à l’assaut d’une préfecture) qui font rougir les nationalistes français. Je vois la dignité européenne manifestée par les nationalistes corses dans le deuil, bien loin de la sauvagerie des racailles afro-musulmanes après la mort d’un des leurs, comme à l’automne 2005. Je ne sais pas si Colonna était coupable.
Qu’on ne se méprenne pas : l’assassin d’un préfet, dans tout pays qui se respecte, doit être traité en exemple. Il faudrait l’exécuter en place publique et retransmettre sa mort sur toutes les télévisions, comme autrefois on plantait des têtes sur les piques aux abords des châteaux. Toutefois, je sais qu’Yvan Colonna avait toujours clamé son innocence, qu’il avait assumé des responsabilités militantes depuis longtemps, que son profil n’était pas celui d’un mythomane et que des zones d’ombre demeurent : absence de reconstitution, violation de la présomption d’innocence à des fins électoralistes par Nicolas Sarkozy, meurtre de l’un des avocats de Colonna – Me Sollacaro – pendant l’affaire (juste après le rejet de son pourvoi en cassation…), etc.
Je vois une République aux abois, qui gouverne mal mais se défend bien, tuant depuis deux siècles et demi tout ce qui avait permanence et originalité sur cette vieille terre de France : langues régionales, libertés locales, paysannerie, attachement à la terre, congrégations, paysages et vie de quartier… Comment aujourd’hui pourrait-on crier avec cette hyène contre le sanglier corse ?
On raconte dans les milieux de droite que « la majorité des Corses » ne veut pas l’indépendance. C’est pourtant bien une majorité de votants qui a élu Simeoni et son équipe. Quand on est un vrai patriote français, on ne cherche pas à éteindre un sentiment identitaire aussi vivace. On essaye de le comprendre et d’en tirer le meilleur parti pour l’avenir. Pour les « Gaulois » comme pour les Corses, les enjeux sont les mêmes : tiers-mondisation, grand remplacement, déclassement… Sans jacobinisme aveugle, la lutte armée n’aurait pas existé. Sans accaparement foncier faisant monter les prix de l’immobilier aux dépens des locaux, souvent forcés de se déraciner, on n’aurait pas autant plastiqué. La lutte armée en Corse est née d’une résistance, dit l’un des premiers tracts du FLNC, au « remplacement par une population étrangère » (5 mai 1976). Nous autres continentaux des villes, habitués à nous expatrier d’un bout à l’autre de l’Hexagone, nomades bleu-blanc-rouge, en oublions qu’il subsiste, en France, des familles et des villages entiers qui n’ont jamais bougé. L’intérêt de la France continentale n’est certainement pas d’entraîner la Corse dans son agonie identitaire mais d’y puiser le meilleur pour l’avenir.
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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