On dirait un titre de film contemporain, français de préférence. On se souvient de La Gifle avec Lino Ventura, Annie Girardot et Isabelle Adjani, sorti en 1974. Mais il s’agit de la claque assenée par l’acteur Will Smith à l’humoriste Chris Rock lors de la cérémonie des Oscars. Ce dernier avait fait une blague sur l’alopécie, maladie qui entraîne une chute rapide des cheveux, dont est victime Jada Pinkett Smith, l’épouse du premier. Chris Rock évoquait sa ressemblance avec Demi Moore, le crâne rasé dans le film A armes égales, sorti en 1997. Après la gifle, l’acteur admonesta ainsi le comique : « Laisse le nom de ma femme en dehors de ta put*** de bouche. » La scène a fait le tour des réseaux sociaux et des talk-shows états-uniens, déchaînant une polémique typiquement hollywoodienne.
En Europe comme aux Etats-Unis, il n’y a quasiment plus d’humoriste, mais seulement des hyènes sans imagination, exploitant les faiblesses de leur cible pour déclencher le rire aigre de leurs congénères. L’humour n’est presque plus un art, tellement il a été spolié médiatiquement par cette vague de cyniques. Le plus souvent, l’humour présenté sur nos écrans n’est qu’un enchaînement de bons mots doublés de montages vidéo préparés pour la circonstance. De France Inter à TF1, de Guillaume Meurice à Yann Barthès, les plateaux de télévision et de radio ploient sous la médiocrité rageuse de ces « chroniqueurs » trop bien payés. Des gens qui, avant le droit-de-l’hommisme et le sacrifice de la virilité sur l’autel de la tolérance, auraient fini dans un tonneau de piquette roulée dans une pente caillouteuse sous les rires gras d’une bande de routiers de la guerre de Cent Ans. L’éclosion de ces mauvais bouffons est révélatrice d’une époque où les créatures les plus méprisées dans une société normalement constituée se voient tout à coup portées au pinacle, dans une terrible inversion des valeurs. Une époque où les mots n’ont aucun sens, où la retenue la plus élémentaire, motivée par un certain sens de l’honneur et de la courtoisie, a succombé sous l’idolâtrie de la liberté artistique, invoquée à tout bout de champ pour humilier publiquement celui qui nous déplaît ou ne méritant que l’indifférence, simple variable d’ajustement dans une supposée « bonne blague ».
Dans une nouvelle de Conan, La Tour de l’éléphant, le Cimmérien pose une question ingénue moquée par les clients d’un tripot. Il est « embarrassé par l’explosion de sarcasmes qui accueillit cette réflexion », lui qui est « trop novice dans le monde civilisé pour en comprendre la grossièreté ». « Les hommes civilisés, commente l’auteur, sont plus discourtois que les sauvages, car ils savent qu’ils peuvent se montrer impolis sans se faire automatiquement fendre le crâne. » Chris Rock ne s’est pas fait « fendre le crâne » mais il a reçu un coup mérité, porté par un homme attaché à défendre l’honneur de sa femme, dans un pur esprit chevaleresque. A cette occasion, on a même vu Nicole Kidman, féministe revendiqué, applaudir la fameuse gifle, découvrant alors que dans le monde rêvé de la stricte égalité hommes-femmes, Will Smith, n’aurait guère levé le petit doigt. Les éruptions de violence publiques sont saines, elles rappellent que le respect dû aux personnes est le plus sacré des « droits-de-l’homme », et qu’au besoin, les doigts de l’homme peuvent intervenir pour en garantir l’application.
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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