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L'Empire Français

Dernière mise à jour : 12 mars 2021

Promis, juré, je ne vais pas vous parler de l’usurpateur corse. Même si on aura sans doute l’occasion d’y revenir au cours de cette année.


Qu’est-ce qu’un Empire ? Il y a une définition à la fois récente et consensuelle, celle des

historiens Burbank et Cooper: un empire est un type d’État de large étendue rassemblant divers peuples gérés de manière différenciée et hiérarchisée (1) . Voilà une définition qui

semble fonctionner à la fois pour l’Empire romain, pour le Saint Empire Romain Germanique, pour la Chine depuis 4 000 ans, et pour la Russie/URSS/Russie à nouveau.

Nous nous en contenterons, même s’il faut avoir à l’esprit que ces principes se sont bien sûr incarnés de manière très différente dans le temps et l’espace.


Et la France dans tout cela ? Chacun sait que la France a été un empire sous Napoléon, et que nous avons eu un empire colonial au XIX e et au XX e siècle. C'est ainsi et il n'y a rien à dire

de plus.

Eh bien, « chacun » quel qu’il soit, ce douteux personnage se trompe. Permettez- moi d’essayer de vous convaincre.

D’abord, la diversité des peuples. Le roi de France a été le roi des Aquitains, des Bretons, des Bourguignons, des Navarrais, et de tant d’autres. Et ces peuples, ces villes, ces provinces, eurent, jusqu’à la Révolution leurs Parlements, leurs lois, leurs coutumes. Voilà pour les traitements différenciés. Les dynasties des Valois, puis des Bourbons tendirent à l’unification de ces peuples, à la création non plus de la France, mais d’un peuple français,

uni par la langue et la culture. Encore une fois, ne surestimons pas cette unité, et n’y voyons pas un plan bien ficelé, et patiemment mis en œuvre par des générations de rois. C’est l’intérêt des monarques qui les conduisit, sans le vouloir, à créer notre pays. La Révolution, puis le XIX e siècle et surtout la III ème République paracheva cette construction de la France, prototype de l’État-nation moderne. En tout cas, c'est ce qui est dit.


En réalité, la dimension impériale de la France s’est perpétuée, prolongée dirons-nous, dans la France que nous appelons aujourd’hui ultramarine.

Dans ces terres éloignées, où flotte le drapeau français, le compromis avec les populations locales, les adaptations de la législation, les traitements différenciés, pour reprendre la définition ci-dessus, sont toujours d’actualité. La Nouvelle-Calédonie a son propre gouvernement, son congrès et même sa citoyenneté, inclus dans la citoyenneté française.

De plus un sénat coutumier, donc lié aux chefferies kanakes existent. À Wallis et Futuna, les institutions traditionnelles sont complètement reconnues par la Constitution française : il n’y a pas de communes, mais trois royaumes coutumiers, dont les chefferies disposent de pouvoirs importants. Une assemblée territoriale existe également. L’instruction est déléguée par la République laïque au diocèse catholique de Wallis-et-Futuna. De manière générale,99 % de la population étant catholique (et ceci est une statistique officielle (2) ), toute cérémonie officielle débute par une messe, à laquelle assistent les chefs coutumiers et les représentants de la République française. Dire que Mélenchon s’étouffe de voir Macron

prendre son titre de chanoine de Saint-Jean-de-Latran. Le pauvre, s’il savait.


Je pourrais évoquer tous les aménagements pratiqués, je me contenterais de signaler le cas

le plus proche de la France métropolitaine : la Corse, dans laquelle ont été fusionnés conseil départemental et régional, créant l’Assemblea de Corsica. Il faut être aveugle pour ne pas admettre que ces différences organisationnelles montrent qu’il y a des peuples différents. Ce qui n’empêche pas les membres de ces peuples d’être également français.


Il reste cependant la question de la large étendue. Êtes-vous sérieux? La France a la seconde plus grande Zone Économique Exclusive au monde, et est présente dans les cinq Océans et sur trois continents. Circulez, rien à débattre.

La République peut se vanter d’être une et indivisible (3) , elle n’a pas encore effacé la France et son empire. Saluons l’intelligence des législateurs et des politiques qui surent adapter la souveraineté française aux particularismes locaux. C’est de ce génie dont nous aurons sans doute besoin si nous essayons un jour de régler les soucis majeurs posés par l’immigration extra-européenne des soixante-dix dernières années.


(1) J. Burbank et F. Cooper, Empires


(3) Article 1 de la Constitution de 1958


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