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L’Œil de Lucile

Le reflet de la France dans le miroir syrien



Voici le témoignage de Lucile, jeune bénévole d’Academia Christiana actuellement en mission humanitaire en Syrie. Elle nous livre ici les méditations qui peuvent naître dans le cœur de celui qui, loin de sa terre, en perçoit d’autant mieux les spécificités.


Syrie, terre plusieurs fois millénaire, terre du Levant, terre durement éprouvée, aujourd’hui baignée de larmes et de souffre. Terre presque impossible à franchir, recoin isolé au milieu de l’Orient, contrôlée, surveillée et maîtrisée de partout.

Et pourtant, terre noble, terre innocente, terre préservée du grand monstre qui a empoigné de ses crochets de fer l’Occident.

Par les épreuves traversées au cours de ton histoire, et aujourd’hui par les horreurs qui t’accablent, tu es plus forte, plus forte que nous.

Moi, fille d’Europe de vingt-deux ans, je découvre ici de franches, sincères et simples merveilles qui auraient dû être les mêmes chez moi, désormais englouties par le mal.

Des sourires dans les rues, partout, antérieurs au mien ou bien spontanément rendus, ils sourient, les mains dans les détritus, derrière le tapis de la caisse, sur le banc voisin dans l’église, en treillis et des heures debout l’arme sur le torse, le café au bord des lèvres le temps d’une pause, les Syriens me sourient.

Des gestes généreux et purs : offrir un café entre deux heures de taxi, arrondir le prix par défaut de liquidité, donner une croix artisanale pour prier et pour qu’on prie pour eux, des chocolats et biscuits après la célébration, tendre un petit bouquet fraîchement cueilli en simple éloge à la beauté des fleurs et des corps, se saisir spontanément de ma bouteille de gaz nouvelle et gravir les trois étages avec, profiter d’une demande de prêt d’ouvre-boîte pour inviter au salon, offrir un bijou et un petit mot en guise de souhait de bonnes vacances, remplir votre tasse de thé sitôt achevée. Les Syriens resplendissent de bonté.

De la beauté, surgissant d’innombrables iris vertes et bleues, des peaux mates et dorées, des rides de courage, des sourcils et des barbes noire ébène et puissantes, des mains rugueuses et douces sur lesquelles on peut lire toute une vie, les coiffures sophistiquées des petites écolières, la prestance des belles femmes et leurs vêtements bien taillés, le kohl brun sur leurs yeux et le bordeaux sur leurs ongles, ces hommes enfoulardés de kéfiers à carreaux dans la rue et dans les champs, un peuple de souches anciennes et authentiques.

De l’architecture des bâtiments à celles des églises magnifiquement parées de dorures et d’ornements, jusqu’aux simples paquets de cigarettes encore épargnés des infâmes photos d’abcès sanguinolents, en passant par les nappes et tapis ornés d’arabesques, les vieilles voitures usées qui serait considérées comme des voitures de collection en Occident, la vaisselle chic pour tous les événements du quotidien, les pistaches qui trônent sur les pâtisseries, les boîtes marquetées incrustées d’ivoire, les petits restaurants et leurs plats typiques qui font un formidable affront aux fast-food vulgaires et gras, les danses traditionnelles connues de tous où pas coordonnés et voilettes gracieuses s’agitent dans un rythme musical parfait, formant des chaînes humaines qui main dans la main oublient tout et dansent. Ces étalages d’épices chaudes et ocres, ces diverses sortes de noix, ces thés de feuilles et fleurs séchés, ces étoffes rutilantes que l’on n’ose pas effleurer du doigt.

Des rires qui surgissent de scènes incongrues, comme cet homme qui se rend à la banque centrale de la ville à cheval, ce panier qui tombe du ciel subitement, et qui repart vers les hauteurs des bâtiments à présent chargé de victuailles, ce vendeur qui détermine le prix de mes aubergines en équilibrant leur poids avec les siens tout rouillés sur sa balance Roberval, ces conduites abracadabrantesques où le code de la route semble avoir été aboli, ces marchands qui agitent de gros poissons pendus au bout d’une perche, ces filets et amas de câbles électriques sur le fronton des maisons, les tableaux des disjoncteurs ouverts sur la rue, et sur lesquels il faut toujours veiller à relever le compteur qui aurait sauté, ces petits enfants au volant ou une clope au bec, le petit prix des choses du quotidien, un sandwich, une bière, un paquet de clopes, le tout pour des piécettes.

Alors je profite de ta pureté, de ton naturel, de ta situation qu’ils appellent « en voie de développement » et je te souhaite de ne jamais rejoindre l’état de nos pays occidentaux où l’amour, la beauté, la générosité et la simplicité sont si meurtris.

Si tu es encore préservée du mal abominable de la modernité occidentale, tu restes tout de même prisonnière d’un monstre peut-être pire encore, l’Islam qui voile tes femmes et déloge tes villages, qui corrompt tes hommes, qui étouffe tes chrétiens et menace le fragile équilibre d’une nation pluri-confessionnelle.

Comme si cela n’était pas assez pour t’éprouver, l’horreur vient à nouveau de te frapper, durant cette nuit du 6 février, le monde s’est écroulé, deux milliers de morts et plusieurs milliers de blessés. Cette catastrophe est d’ordre naturel, on ne peut accuser personne et pourtant, on voudrait bien plaidoyer l’injustice, la cruauté, la persécution… Bon dieu, ils ne méritaient pas ça, pas eux. Des corps sont broyés, et les survivants resteront traumatisés à jamais. Ils n’avaient déjà pas grand-chose, ils ont une fois de plus tout perdu, comment parvenir à se relever de ça. La maison, les affaires, ça se retrouve, mais le frère et la sœur eux sont partis pour toujours.

A terme, mon combat il sera sur ma terre, cependant je suis là pour plusieurs mois encore, et je continuerai de t’aider à lutter, à reprendre des couleurs par des petites actions, des petits moyens, et même si mes efforts devaient être réduits à néant, ma prière, elle, invisible, perdurera.

Lucile



Crédit photo : Antoine Makdis

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