Questionné sur son projet politique, un homme répondait, après avoir nommé le cap à suivre : « Je vais être franc. Peu importe le résultat. Il faut que l’idée continue à exister. Nous sommes menacés de disparaître. Moi, je ne cherche pas une part de marché. J’incarne une continuité dans l’histoire […]. Je me sens cette responsabilité-là. Quoi qu’il advienne, il faut que ce que nous incarnons continue. Et un jour, ce sera un point d’appui. Compte tenu de l’événement énorme que nous vivons, j’ai dit au début : “Il y a un trou de souris.” Mais j’ignore si c’est un trou de souris ou un porche pour un éléphant. Nous pouvons aussi bien être détruits que, à l’inverse, arriver au pouvoir. »
Cette conscience d’un enjeu de survie, vaincre ou disparaître, combien d’hommes la manifestèrent au cours de leur existence ? A peu près toutes les grandes figures demeurées dans l’histoire, qui ont fait l’histoire. Jules César devant le fleuve Rubicon, l’évasion du jeune Charles Martel en 715, François d’Assise jetant ses vêtements aux pieds de son père, Hernán Cortés brûlant ses navires sur la côte mexicaine, la conversion d’Henri IV au catholicisme…
Fidèles à eux-mêmes, attentifs aux signes des temps, ces hommes perdurent aujourd’hui par le souvenir de leur courage. La bravoure, toutefois, ne suffit pas à les hisser au pinacle de la gloire. Pour la conquérir, ils durent guetter le bon moment, l’opportunité. Le jeune Cortés manqua bien des expéditions vers le Nouveau Monde avant d’ajouter la sienne à cette litanie d’explorations hardies. Lénine, exilé en Suisse, déclarait aux ouvriers socialistes zurichois qu’il ne verrait pas la révolution. C’était en janvier 1917. Quelques semaines plus tard, la Russie s’embrasait. Il va sans dire que toute la campagne d’Eric Zemmour fut placée sous le signe de cet espoir. Paraphrasant Gérard Collomb au soir de son départ de la place Beauvau (le 3 mars 2018), le président de Reconquête !, après son échec au premier tour, prophétisait : « Dans 10, 15 ans, que restera-t-il ? Le bloc national et l’islamo-gauchisme face à face » (BFM TV, 2 mai dernier). Jean-Luc Mélenchon ne s’y trompait guère en ciblant frontalement l’ancien journaliste comme son principal adversaire. La remigration : les esprits veules, cachant leur paresse derrière une sagesse contrefaite, s’en gaussent autour d’un repas copieux. Les autres, conscients que l’assimilation est un mythe s’il vise des masses entières, savent que la grande séparation, d’abord par la sécession territoriale et morale, ensuite par le retour au pays d’un certain nombre d’extra-Européens, est la seule alternative au Grand Remplacement. C’est ainsi que la Reconquista, pendant huit siècles,tint en éveil les énergies castillanes jusqu’à la victoire.
L’auteur des propos cités au début de cette chronique est Jean-Luc Mélenchon répondant à Libération (documentaire « Jusqu’à la victoire ! », 16 mai 2022). Qui, au sein de la droite de conviction, ne signerait pas une telle sentence ? Animé de la même volonté, un jeune instituteur du nord de l’Italie devait, à la faveur d’une grande instabilité sociale, apaiser les craintes d’une bourgeoisie effrayée par la gauche radicale, porter les espoirs d’un peuple assoiffé de changements et amorcer la révolution conservatrice. Les temps varient, pas les idées, si nous avons assez de courage et d’honnêteté pour les brandir au soleil. Jusqu’à la victoire !
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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