Il y a quelques semaines Pierre Schneider nous quittait, cofondateur du Front de Libération du Québec, prisonnier politique, membre du Rassemblement pour l’indépendance nationale (qui finira auto-dissous dans un appel à rejoindre le tout nouveau Parti Québécois), journaliste, écrivain, poète, un véritable modèle de conscience et de travail militant. Si nous ne partageons pas totalement les opinions de monsieur Schneider, nous pouvions partager une passion commune ; celle de la liberté pour une nation française d’Amérique du Nord.
En France, depuis la fin de la seconde guerre mondiale et l’avènement de la république gaullienne, le mot « francophonie » sonne comme « Jacques Foccart », l’homme de la Françafrique et de la police politique du SAC. Depuis lors, la francophonie est constamment associée à l’Afrique. Sur 19 sommets de la francophonie, 8 ont eu lieu en Afrique contre 3 en Amérique du Nord et 4 en Europe (notons qu’aucun n’a jamais eu lieu en Belgique). Le reste se partage entre le Proche Orient, l’Asie et l’Île Maurice. Quant aux secrétaires généraux de la francophonie, une seule secrétaire générale sur les quatre n’est pas originaire d’Afrique (bien que cette dame soit originaire d’Haïti, pays né du massacre des Français sur place).
A l’heure où l’Afrique de l’Ouest semble vouloir couper les vieux liens que ces pays entretenaient avec la France, ne faudrait-il pas remettre en question cette volonté politique gaullienne de ne jamais dissocier la francophonie du continent africain, et par la même occasion de lier cela à la tristesse du bilan de la Françafrique, entre interventions militaires répétées et coûteuses en vies et corruption d’une partie de nos élites ? (Nous entendons encore le chant rappelant Bokassa lors de l’intronisation de l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing à l’Académie Française).
Le bilan de la francophonie vue comme une sous-catégorie de la Françafrique, c’est principalement une immigration de masse, une délinquance, une haine de la France chez nous et en Afrique de l’Ouest, des relations aujourd’hui tendues avec la majorité des pays francophones d’Afrique, car pour ceux qui ne sont pas tombés dans le giron russo-chinois, il reste ceux qui regardent le bilan de nos relations. Bien évidemment il ne faut pas fermer la porte à l’Afrique, la France est aussi un pays méditerranéen et il faut de toute évidence discuter avec l’autre rive de nos problèmes communs notamment celui de l’immigration subsaharienne qui va devenir dans les années à venir une crise aussi grave pour le Maghreb que pour l’Europe occidentale.
Alors pourquoi, après tant d’années d’abandon depuis le discours de De Gaulle, la diplomatie française ne semble pas prendre au sérieux la nécessité d’un pays francophone en Amérique du Nord ? Maurras en parlait déjà en son temps ; l’avenir de la francophonie se trouve aussi sur le continent américain. Du Québec déjà parfaitement installé dans son rôle de leader d’une identité française d'Amérique, pourraient suivre les provinces de l’ancienne Acadie, notamment le Nouveau-Brunswick toujours officiellement bilingue. N’en restons pas là ; depuis les années 2010, c’est en Louisiane que les cajuns et les créoles tentent de faire revivre le français de leurs grands-parents, à travers des écoles, des associations, des voyages, des cours pour adultes. Si la question de l’indépendance de la Louisiane n’est pas du tout au goût du jour, c’est tout autre chose au Canada où la sédition québécoise semble être toujours l’une des peurs bien ancrées dans l’imaginaire des fonctionnaires d’Ottawa.
Il est donc naturel, d’abord comme français, identitaires mais aussi comme catholiques, que nous soutenions de tout cœur la naissance d’un État francophone de culture catholique en Amérique du Nord. Il est impératif que nous redéfinissions à notre niveau les rapports de la France à la francophonie, aux élus locaux, préférant les jumelages du Québec aux incertains échanges avec l’Afrique francophone, car s’il y a un pays où l’on brûle notre drapeau et où l’on attaque nos ambassades, ce n’est sûrement pas à Montréal ou à Québec. René Lévesque disait que les Québécois étaient, après les autochtones, le peuple d’Amérique du Nord le plus enraciné. Il est de cette logique d’unité européenne et française que de soutenir nos frères d’Amérique dans leur volonté d’indépendance d’un État canadien en perdition. Car face à la tentation totalitaire et eugéniste de Justin Trudeau, le contre-exemple d’une culture française d’Amérique est le seul contre-exemple présent au monde anglo-saxon.
Alors, comme Pierre Schneider et en la mémoire de tous les martyrs de la cause française au Canada : vive le Québec libre !
Nathan Jet
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