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Débat : La France est-elle morte ou en dormition ?



Julien Langella

Vice Président d’Academia Christiana,




Adrien Charvet,

Secrétaire de Dextra,

Militant depuis 20ans, Animateur sur Radio Courtoisie (libre journal de la jeune droite)




Propos recueillis par Dylan B. pour L’Étincelle


Selon vous, la France est-elle morte ou très malade, et qu’entendez-vous lorsque vous parlez de la France ?


Adrien C : Aujourd’hui, la France c’est une immigration exponentielle : 250 000 nouveaux arrivants officiels sans compter ceux qui restent, qui font des enfants et les clandestins qu’on ne voit pas. C’est un pays complètement détruit dans ses métiers ou ses traditions, ravagé par la drogue, la pornographie... Il ne reste rien de la France traditionnelle, et je crois qu’il est dangereux de croire le contraire et d’espérer que ce peuple veuille participer avec nous à la reconquête.


Julien L : La question fondamentale est bien de savoir de quelle France on parle. Est-ce qu’on parle des structures de l’Etat Français, de sa force de frappe économique, de son rayonnement culturel, de sa présence à l’étranger, de ses métiers, de sa réalité socio économique, ou bien parle-t-on d’un peuple ? Et si oui, évoque-t-on la souche ethnique de ce peuple, l’élément culturel, religieux... Je pense que tout ça est assez entremêlé, et mérite d’être distingué, car il existe dans l’histoire récente des nations sans état qui sont d’une vitalité remarquable, comme certaine poches régionales de la nation kurde, ou dans certains endroits en Ukraine où il y a une très grande vitalité et pourtant une réalité politique très récente. Donc la France se porte mal, mais quelle France ?

Je m’interroge également sur la pertinence de ce constat : pourquoi annoncer la mort de la France ? Quelle est notre stratégie d’action derrière cette réflexion ?


Adrien C : Ma grande crainte est que nous soyons comme Napoléon à Waterloo attendant désespérément les troupes de Grouchy qui n’arrivent jamais. Voyant le peuple Français tel que je le vois aujourd’hui, espérer demain un sursaut de ce même peuple me paraît plus qu’illusoire. Le fond de « pays réel » sur lequel pouvait s’appuyer une théorie maurrassienne de la prise du pouvoir ne tient plus aujourd’hui. A aucun moment dans tous les combats que la France traditionnelle a mené depuis deux siècles, le peuple français n’a été présent pour casser la machine qui se présentait à elle (séparation des Eglises et de l’Etat, guerre de 40, de décolonisations, mai 68, mariage pour tous...).


Plutôt que de compter sur des forces qu’on ne maîtrise pas et qui risquent très probablement de faire défaut, il me paraît stratégiquement plus prudent de partir du postulat que ces forces n’existent plus, quitte à les trouver accidentellement sur notre chemin quand on ne les attend pas.

La droite meurt de croire au mythe de gauche du peuple patriote se levant en masse pour défendre la patrie outragée. Le problème étant pour moi qu’aujourd’hui, si le peuple fait défaut, alors que reste-t-il de la France ?


En résumé, tu nous invites à faire le deuil de la France d’hier pour aller de l’avant. Pour que notre militantisme ne s’empêtre pas dans un conservatisme qui est une impasse.


Julien L : Je ne vais pas m’acharner sur un cadavre. Si la France est morte, je prends mes bagages et je m’en vais, ou je fonde une micro-nation, comme il en existe quelques unes, parfois sympathiques dans le monde. Mais je n’ai pas de pays de rechange et je trouve que diagnostiquer la mort de la France, est quelque chose d’incapacitant. C’est selon moi un mythe stérilisant parce qu’on est à une époque du déclin du courage. Ce diagnostic ne peut que rejoindre sans le vouloir une tendance inquiétante dans certaines sphères de la droite radicale et chrétienne qui est incarnée par Rod Dreher et son livre « Le pari bénédictin ». Si on retire l’action électorale, l’action politique, il ne reste plus rien, à part l’entre soi. Mais s’il n’y a plus de France vous êtes déjà orphelins. C’est pour moi le danger de ce constat qui peut contribuer à répandre un peu plus le manque de courage dans la société française et dans ces dernières poches de résistance.

Quand on fait le lien entre la mort supposée de la France et l’absence de tonus du peuple français, je pense que ce n’est pas un scoop, c’est une évidence. Pour ma part, je n’attends rien de la part du peuple français dans la mesure où pour faire une révolution, il faut comme le disait José Antonio Primo de Rivera « une minorité et même une élite inaccessible au découragement et résolue ». Ce sont toujours les élites qui mènent les peuples, encore faut-il qu’il y ait un peuple.

Adrien, penses-tu que diagnostiquer la mort de la France ait un effet incapacitant ? A l’inverse, considérer que la France existe encore ne serait-il pas une excuse pour rassurer notre petit confort bourgeois en nous empêchant de nous engager à fond dans la bataille.

Adrien C : Je pense en effet que le mythe incapacitant est plutôt dans l’espoir fou d’un sursaut. C’est probablement une question de tempérament, mais il est à mon sens beaucoup plus grisant de se dire que nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, plutôt qu’au crépuscule d’un monde qui se meurt et à qui on doit faire sans cesse du bouche à bouche pour qu’il ai encore un souffle de vie. Nous devons avoir la même confiance en l’avenir que les chrétiens de la fin de l’empire romain qui réutilisaient les temples et les pierres des théâtres antiques pour construire des châteaux et des églises. Nous ne devons pas tenter de mimer fort mal - parce que nous avons perdu l’essence du passé - les modes anciennes, mais nous émanciper du regard que nous avons sur le passé pour revenir par un autre chemin à l’essence (c’est à dire à la source) de l’art du politique, et revenir par là même aux sources de la civilisation.


Julien, ne penses tu pas que les propos de Charvet soient inaudibles, car trop révolutionnaires, pour la plupart de nos contemporains ? Un peuple n’a-t-il pas besoin de croire en ces mythes, mêmes faux ?


Julien L. : Auprès d’un public de militants ouverts à ce débat, la thèse de Charvet pourrait avancer. Mais on ne parle pas que pour des niches mais pour tout un peuple même s’il ne sera jamais l’auteur du changement et qu’il ne fait que suivre celui qui lance la première impulsion. Nous sommes d’accord que nous avons un peuple à moitié métissé, dégénéré, consumériste, ... tout ce que l’on veut ! Il n’empêche que les grandes épopées se fondent toujours sur le mythe qui est en partie un mensonge. Oui, la France ne pourra renaitre que du local mais en même temps, il ne faut pas être manichéen si vous voulez porter une action au niveau local, il faut bien avoir une vitrine au niveau national. Bien sûr, le Rassemblement National n’arrivera pas au pouvoir demain et s’il y arrivait il ne ferait rien. Pour autant, il faut bien un représentant au niveau national à Paris, pour dire du bien ou envoyer des ressources à celui qui localement dans son petit bled de sept cents habitants bataille pour développer quelques thématiques identitaires. A côté de ça, il faut aussi des radicaux, des exaltés et des sectaires. Il faut des gens qui cassent la vitre et il faut aussi des gens qui autrement ». Je crois que toutes ces voix portent. Que la France soit morte ou non, que faire d’autre à part prendre les quelques miettes qui sont là et essayer d’en faire un gâteau.


Ne penses tu pas que le fait que le peuple se trouve des patries de substitution, comme les régionalismes, ou de nouvelles attaches, comme les gilets jaunes, soient des signes qu’ils ne se sentent plus français car, pour eux, la France n’existe plus de manière charnelle dans leur vie de tous les jours ?


Julien L : Des gens se cherchent une nouvelle patrie parce qu’on ne leur propose pas la patrie qu’ils ont déjà. Il est clair que les français ne savent plus qu’ils sont français, leur mode de vie reflète leur amnésie. Pour autant, l’exemple du succès d’une émission récente sur les 800 ans de ND de Paris, des ouvrages comme Le Métronome de Lorent Deutsch ou les émissions radio de Franck Ferrand montre que ce genre de sujets plaisent encore. Il suffirait d’une volonté politique et d’une campagne médiatique, que certains appelleraient de la propagande, pour redonner une petite étincelle aux français. Ça ne suffit pas pour refaire un peuple, entendons-nous. Mais cela prouve qu’au fond de l’inconscient français, il est des mythes face auxquels les rouleaux compresseurs de la déconstruction ne peuvent rien.



Adrien C : Je ne suis pas du tout hostile aux mythes, bien au contraire. Je pense que la construction de ce que l’on envisage demain se bâtira évidemment sur ces mythes, au même titre que le Moyen Âge s’est construit sur le mythe de l’empire romain. Dans les faits, la position sur la France morte ou pas morte ne change pas grand chose à notre vie de tous les jours si ce n’est une certaine acceptation pour revenir à l’essentiel. Me vient à l’esprit l’exemple de la défense de l’église Sainte Rita dans le XVe arrondissement de Paris.



Certains se sont retrouvés déçus à la fin du combat mais pour nous, militants de Dextra lorsqu’on a lancé le combat, nous pensions que si par accident l’église pouvait être donnée à la Foi catholique, c’était une très bonne chose, mais ce n’était pas le cœur de la problématique. L’objectif était d’abord de recréer une communauté de quartier autour de ce bâtiment emblématique, faire en sorte que les gens sortent de chez eux, un peu comme ce qui s’est fait avec les gilets jaunes.


Mon inquiétude permanente est que un certains nombre de combats qui sont justes et qu’il faut mener, ne sont pas menés pour les bonnes raisons par les gens de notre sympathie parce qu’ils sont uniquement dans une perspective muséographique ou patrimoniale. C’est pour ça qu’à mon sens, dire que la France est morte est un électrochoc. Ne pas vouloir prendre en considération les constats que nous faisons tous, nous poussera dans le meilleur des cas à ne vouloir conserver que les éléments physiques, et dans le pire à vouloir mimer ad nauseam et de manière complètement anachronique et hors de propos l’ancien monde.


Julien L : Si je comprends ce que tu dis, lorsque tu dis « La France est morte », tu espères un électrochoc en réaction à des errances que tu crains de voir se répandre un peu plus et qui nous empêcheraient d’agir. Est ce que nous ne devrions pas clairement dénoncer, des exemples, des noms, des structures, des stratégies récentes qui incarnent cette idée de muséographication que moi aussi, je déplore.

Adrien C : Un exemple très simple : le parti les Républicains, typiquement. Ils sont pour moi un exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire. C’est cet espèce de conservatisme qui fait dire qu’on a des millions d’étrangers chez nous, mais comme des drapeaux français sont encore accrochés dans les rues et qu’on a encore le 14 juillet, alors ça va.





Julien L : Pour ma part, je voudrais juste clôturer mon intervention en disant que nous sommes des militants mais aussi des personnes et des pères de familles et des amis au sein de groupes d’amis. Nous devons rayonner par une vision religieuse de l’enracinement. Par notre mode de vie, notre alimentation, dans les contes et légendes que nous racontons à nos enfants, dans la langue... Nous devons avoir ce côté sectaire, un peu amish qu’il faut déployer. Il faut être dans l’action militante, les deux se portent : l’aspect politique pur, et l’aspect infrapolitique qui porte le reste. Je nous appelle à être de véritables sectaires, des vrais fanatiques au sens pur du terme, et à entrer dans cette dynamique de l’enracinement personnel, familial, amical, comme on entre en religion, afin d’être de véritables exemples parce que, comme le disait Evola « l’avenir dépend de ceux qui sont capables d’incarner ce qu’il y a de bon dans le passé afin de le rendre crédible et le donner aux hommes de demain pour leur donner l’envie de rebâtir quelque chose ».


Adrien C : Nous serons d’accord sur la conclusion. Evidemment pour moi la construction d’une nouvelle civilisation ne peut passer que par cet exemple personnel et cette volonté transmise à nos enfants et à nos proches. Elle doit s’appuyer sur le mythe de l’ancienne France en s’appuyant sur son souvenir et son histoire. Cette nouvelle civilisation ne peut se construire que par la transmission et par la construction du souvenir de tout ce qui a été détruit par nos ainés et par tout ce que nos ainés ne nous ont pas transmis.


Article paru dans le journal L'Étincelle










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