En 1990, dans Comment réaménager notre Russie, Soljenitsyne proposait au sujet de l’Ukraine : « un développement sans entraves de nos cultures parallèles et la classe faite dans l’une ou l’autre langue au choix des parents. (…) Si le peuple ukrainien désirait effectivement se détacher de nous, nul n’aurait le droit de le retenir de force. Mais seule la population locale peut déterminer le destin de son petit pays. »
Si, à l’intérieur de l’Ukraine, des Slaves de la grande plaine eurasiatique ont suffisamment de divergences pour se voir attribuer des droits particuliers, on voit mal comment les Blancs, les Maghrébins et les Noirs vivant en France pourraient continuer à coexister… Ce que prônait alors Soljenitsyne était un séparatisme culturel pour éviter le séparatisme territorial de l’Ukraine. On pourra invoquer un contexte différent du cas français, dont l’histoire est plus étatique et jacobine qu’impériale, il n’en reste pas moins que la question identitaire est la même : vivre ensemble ou séparés, selon sa propre culture ou celle de la majorité ethnique, honorer ses propres héros ou ceux de l’histoire nationale. Bien sûr, les russophones ne sont pas des Marocains, et l’Ukraine a plus de lien avec sa cousine moscovite que nous n’en avons avec le lion de l’Atlas. De la même façon que l’indépendantisme écossais ou catalan, portés par des Européens à l’intérieur de nations européennes, n’équivaut pas au séparatisme islamo-mafieux. Au fond de ces querelles, il y a une réalité commune : une appétence pour l’unité, via l’association étroite, voire le mélange, ou à l’inverse le souhait de tracer un autre chemin vers un destin national propre. C’est pourquoi le retour en force de l’assimilationnisme est un véritable calvaire intellectuel – la sanctification en moins – pour la droite.
Cette mode est artificiellement dopée par les succès médiatiques de Zemmour. Celui-ci, devenu candidat, peut difficilement prôner autre chose, suffrage universel oblige dans un pays grand-remplacé, et il reconnaît d’ailleurs la nécessité d’une dose de remigration, lorsqu’il évoque l’expulsion des criminels étrangers, ce qui est toutefois le minimum syndical… La séparation est une telle évidence que même les assimilationnistes la prônent à leur manière, comme Lydia Guirous, qui appelle à la création « d’internats pour encadrer [ceux qui sont] sur la pente glissante. Leur sélection peut se faire suite à une demande de parent dépassé (…) Un enfant qui sort du quartier est un enfant moins perméable aux discours anti France » (Le Figaro, 27 janvier). Mais le parent de Kader, chouf en bas de l’immeuble, n’est pas « dépassé » : d’une part, il profite de ce complément de revenu, et d’autre part, il n’a jamais encouragé l’assimilation de son enfant, puisque la famille vit à la maison comme au bled. Les parents ne sont pas « dépassés », ils sont complices. L’assimilation est une question des années 70. Elle a été mille fois tranchée lorsque des explosions de joie, dans les cités, répondent aux explosions des attentats islamistes. On n’assimile pas des peuples, uniquement des individus ; et encore ceux-ci deviennent-ils français à la force de leur volonté personnelle, comme Claire Koç, et non par décret.
Il est temps de se recentrer sur soi et de refranciser notre peuple, un défi beaucoup plus fondamental pour l’avenir. Sans peuple français conscient de son identité, il n’y a même pas d’assimilation possible.
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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