La censure de Donald Trump nous offre une leçon politique de premier plan. Mesurons l’ampleur de l’événement : le président en exercice de la première puissance mondiale voit son audience réduite à néant par un groupe de cinq entreprises privées qui contrôlent la plupart des moyens de communication.
Facebook a suspendu temporairement le compte de Donald Trump, Twitter l’a banni définitivement, Amazon et Apple ont retiré de leurs offres l’application Parler – où les pro-Trump et leur leader devaient se retrouver, et Google a supprimé sa chaîne YouTube. En somme, Donald Trump a perdu la plus grande partie de ses accès à Internet.
La dernière fois qu’un vaste réseau de communication a relié divers peuples entre eux remonte à la fin du XVIe siècle, lorsque l’empire espagnol était à son zénith, « empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ».
Il est bon de relire ces mots du roi Philippe II, écrits en 1592, bien avant la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ou la création, en 1978, de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.
« L’ouverture des plis constitue une offense à Notre Seigneur (…) les lettres doivent demeurer inviolables pour tous, car il n’existe aucune autre méthode permettant aux hommes de communiquer [ni] pour moi d’être informé des affaires de ce pays (…) ces actes [d’interruption ou de censure des échanges] comportent une part de tyrannie et de violence (…) qui ne peut se supporter dans un Etat chrétien (…) Aucune autorité judiciaire, aucune personne privée, ecclésiastique ou laïque, ne doit ouvrir ou retarder aucune lettre, ou empêcher quiconque d’en écrire, sous peine d’être considéré étranger dans mes royaumes, condamné à la perte totale et définitive de ses charges, au fouet ou aux galères. »
Internet jouant le rôle du courrier postal autrefois, cette déclaration est d’une actualité brûlante.
La différence centrale réside dans le fait que nous ne vivons plus dans un « Etat chrétien » : le bien commun est jugé moins important que la satisfaction des caprices narcissiques de chacun. En effet, le pouvoir de censure des GAFA (Torquemada ressemble à un sous-préfet des Landes à côté de Mark Zuckerberg) est le fruit d’un mouvement historique – les Lumières et la Révolution – fondé sur la « liberté ».
La liberté d’entreprendre a provoqué l’avènement de puissances financières capables de clouer le bec d’un chef d’Etat, le libre-échange a suscité des chaînes de transport mondial connectant les peuples, rendant ceux-ci plus contrôlables et finalement plus uniformes, et la liberté d’innovation, au mépris de toute mesure, a créé des Frankenstein numériques qui nous échappent. Notre monde est l’enfant chimérique d’une liberté fictive.
C’est la victoire des frustrés mégalomaniaques, de Robespierre à Jeff Bezos, sur les gens raisonnables, dont la liberté d’expression est asphyxiée par la volonté de puissance et l’orgueil humanitariste des milliardaires philanthropes.
« Entre le riche et le pauvre, écrivait le Père Lacordaire, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »
Julien Langella
Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.
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