La mer Noire, « lac grec » sous l’Antiquité, « italien » au Moyen Age puis turc et slave-oriental, joue un rôle important dans notre histoire. Porte d’entrée des Slaves vers la Méditerranée, via le détroit du Bosphore et les Dardanelles, l’hégémonie en mer Noire est un enjeu décisif.
L’accord commercial liant l’Ukraine à la Turquie pour la fabrication de drones a provoqué l’interruption des vols russes vers la Sublime porte. Le Kremlin ne peut voir que d’un mauvais œil ce rapprochement entre son « étranger proche » ukrainien – tremplin des Russes vers l’Occident – et son rival turc dans le Caucase.
Rappelons que la péninsule de Crimée, au nord de la mer Noire et peuplée à 10,5 % de Tatars turcophones, a été annexée par la Fédération de Russie le 18 mars 2014. Cette actualité nous invite à relire Réflexions à l’Est (2012) de Georges Feltin-Tracol, animateur du site Europe Maxima : « L’Ukraine, la Turquie, l’UE (avec la Roumanie et la Bulgarie) et la Russie sont les grandes puissances du pourtour de la mer Noire. On peut imaginer que, soucieuse de ne pas choisir entre l’Europe et la Russie, l’Ukraine accepte en dernière analyse une forte aspiration avec la Turquie et se serve dans cette nouvelle perspective de la présence en Crimée des Tatars » La Russie et l’Ukraine pourraient solder leurs comptes sur le modèle anglo-américain, à l’exemple du traité de l’Oregon signé en 1846, prélude à des relations équilibrées entre les Etats-Unis et la couronne britannique.
« Fort de ce précédent, l’Ukraine et la Russie négocieraient leurs derniers contentieux et établiraient ensuite un lien privilégié au nom d’une histoire partagée sans nuire aux souverainetés étatiques. » La difficulté réside dans le fait que l’Ukraine, située aux confins de l’Europe et cernée par des voisins gloutons, a toujours été confrontée à des dilemmes géopolitiques pour résister à ses ennemis du moment.
En témoigne le drame vécu par le nationaliste Stepan Bandera (†1959) : ses frères meurent à Auschwitz, ses sœurs sont internées au goulag et lui-même est tué par les Soviétiques à Munich. Dans cette affaire, le grand absent est l’Union européenne, machin technocratique sans âme aux mains des lobbies financiers, dépourvu d’une vision claire et d’une volonté indépendante.
Si l’accord turco-ukrainien est purement commercial, n’entraînant pas d’alliance majeure, il n’aurait pu avoir lieu sans la division de la « chrétienté », comme les Ottomans, aux XVe et au XVIe siècle, n’auraient pu avancer sur le continent et en Méditerranée s’ils avaient trouvé des Européens unis devant eux. Il nous manque un pôle de puissance européen, centré sur le monde carolingien (franc et latin) et défendant nos intérêts communs : la nécessaire résistance économique aux Etats-continents partis à l’assaut de la mondialisation, tels la Chine et l’Inde, les vagues migratoires africaines, l’islamisme ou l’enjeu énergétique.
S’il est vain d’espérer changer l’UE de l’intérieur, le Frexit n’est pas une fin en soi mais une liberté nécessaire afin de rebâtir une troisième force géopolitique, celle dont rêvait saint Pie V en priant le rosaire.
Julien Langella
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