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Photo du rédacteurJulien Langella

Libéralisme et bioéthique : j’vois pas l’rapport !


Tranche de vie à la sortie d’une église.

— Remplissez le train pour la manifestation du 6 octobre contre la PMA ! scande un jeune quadra tonique en pantalon rose, tracts LMPT en main.

Les fidèles prennent le papier de bon cœur, comme une feuille paroissiale distribuée par M. le curé. Dans le fleuve de cols claudines et de polos relevés qui dévale les marches de l’église, une silhouette se faufile, saisit le tract et glisse au distributeur :

— Vous avez raison. Mais les cathos doivent se bouger contre le travail dominical également, pas seulement sur la bioéthique.

Après un court instant d’hébètement, le quadra se ressaisit :

—… J’vois pas l’rapport ! maugrée-t-il en grimaçant.

— La famille ! Le rapport, c’est la famille.

— Quoi, la famille ?

— Eh bien, vous êtes contre la « PMA sans père » et c’est très bien, même si entre nous, le slogan est ridicule… Par définition, la PMA efface le père puisque la procréation est « médicalement assistée », artificialisée, confiée à des blouses blanches.

— Ok et alors ? s’agace le fringant quadra en espadrilles bariolées, qui continue à écouler ses tracts sans regarder leurs destinataires.

— La famille est détruite à petit feu, depuis des années, bien avant la loi Taubira et compagnie, par l’ouverture des supermarchés et des galeries marchandes le dimanche…

— Faut pas y aller !

— On est bien d’accord, mais « faut pas » y travailler non plus : il n’y a plus de vie de famille quand un parent, ou même les deux, travaillent le dimanche.

— Mais ça, après, c’est la liberté, faut libérer les énergies !

— Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?

— J’ai une boîte d’aide à la personne. Le dimanche, c’est sacré, je ne touche pas à mon smartphone.

— Et vos employés ?

— Eh bien, s’ils ont envie… euh… ils travaillent quoi.

La gêne devient palpable. Pour le baptême de Marie-Cécile, le jeune quadra ambitieux était bien content de placer ses enfants chez la nounou. Celle-ci, d’ailleurs, a eu le temps d’assister à la messe avant de rejoindre les charmants marmots sur les hauteurs de la ville, après avoir passé trois digicodes et deux vigiles.

— Vous comprenez, reprend l’empêcher de tourner en rond, voilà le problème : le manque de cohérence. On s’oppose à « la PMA sans père » mais on n’est pas choqué par le dimanche sans père de famille. On est contre la chute des valeurs morales et « jouir sans entraves » mais on trouve toujours des excuses à ceux qui délocalisent et exploitent leur prochain sans entraves. On refuse la théorie du genre, qui donne le droit à n’importe qui de choisir son sexe, mais on ferme les yeux sur l’immigration-invasion car tout l’monde il est français ! Et puis, cerise sur le gâteau, on est catholique mais on vote Macron.

Un peu sonné, le quadra a cessé de distribuer ses tracts et encaisse les coups. Mais la dernière saillie de son interlocuteur le tire de sa torpeur :

— Ah moi, jamais ! J’ai voté Bellamy.

— Celui dont le dir’com, Geoffroy Didier, est pour l’euthanasie et la PMA/GPA ?

Un ange passe.

— Peut-être, il ne faisait pas ce qu’il veut le pauvre Bellamy, mais c’est un type brillant. Et puis, on n’allait pas voter pour Kévin Bardel…

— C’est Jordan, mais continuez.

— Ouais, Jordan Bardella, voilà. Donc il fallait voter pour le RN, qui a le programme présidentiel du PCF des années 80 ?

— Vous l’avez lu ?

— Ecoute, j’ai pas l’temps, ma femme m’attend.

— Au fait, quel était l’Evangile d’aujourd’hui ?

— « Nul ne peut choisir deux maîtres : Dieu ou l’Argent »… Mais j’vois vraiment pas l’rapport !

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