Suite de notre série d'entretiens sur le populisme avec, aujourd'hui, Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique et essayiste.
Que vous inspire la notion politique de « populisme » au-delà du « phénomène populiste » qui s’incarne électoralement ici ou là ?
Comme l’indique l’étymologie le terme de populisme fait référence au peuple. Les lecteurs d’Alix ou d’Astérix se rappellent l’inscription gravée sur les enseignes des armées romaines : SPQR. Senatus populusque romanus. Le sénat et le peuple romain, emblème de la République romaine. Traditionnellement l’autorité politique du peuple était plutôt exprimée par le terme de démocratie, mot d’origine grecque : demos, le peuple, kratos, le pouvoir.
Le terme de populisme est apparu dans le langage politique lorsque les peuples, en principe détenteurs de l’autorité dans les sociétés démocratiques, se sont mis à voter dans un sens opposé à celui souhaité par les élites politico-médiatiques. Lorsque les Irlandais votent la légalisation de l’avortement, il s’agit d’un vote démocratique. Lorsque les Suisses votent l’interdiction de la construction de minarets sur les mosquées, il s’agit d’un vote « populiste »… Notons que le terme de populisme est rarement revendiqué. Ce sont les classes dirigeantes - le terme d’élite ne me paraît pas adapté - qui désignent leurs adversaires sous ce vocable infamant espérant ainsi les vouer à l’exécration publique. Le regretté Jean Madiran aurait sans doute dit qu’il s’agit d’une arme par destination, avec une intention de nuire.
Le populisme ce sont donc aujourd’hui l’ensemble des réactions de résistance et de survie des peuples européens qui se sentent menacés dans leur identité culturelle, leur modes de vie ou plus simplement leur existence physique. Ces peuples ont le sentiment que leur disparition est programmée dans un vaste métissage généralisé, une mondialisation prétendument heureuse dans laquelle le paysan beauceron ou le métallo rhénan serait parfaitement interchangeable avec un pasteur peul ou un guerrier bambara.
Pensez-vous que le terme soit récupérable politiquement par la droite radicale et catholique ?
Je n’aime pas trop le terme de « radical » qui renvoie historiquement au parti du même nom sous la troisième République, officine laïque et maçonnique s’il en fut. De plus ce terme est aujourd’hui employé pour désigner les musulmans qui deviennent islamistes. C’est dire si sa connotation est négative même si l’islamisme n’est, somme toute, qu’une lecture littérale et « radicale » du coran.
Il ne s’agit pas d’opérer une récupération politicienne du populisme. Il s’agit d’en interpeller les acteurs pour aller plus loin, plus haut, plus au fond. Nul mieux que Michel De Jaeghere n’a exprimé cette réalité dans son ouvrage, irremplaçable, La compagnie des ombres. Je le cite : « Nous sommes chez nous » scandent parfois des Français désespérés, dépossédés de leurs quartiers, de leur sécurité, de leurs coutumes. Mais pour « être chez nous » et prétendre en demeurer maîtres, encore faudrait-il être « nous ». Former plus qu’un syndicat de locataires. Etre une communauté de foi d’espérance ou de culture, par ce « souvenir de grandes choses faites ensemble » (E. Renan) sans quoi ne peut apparaître la volonté d’en accomplir de nouvelles, parce qu’il est seul susceptible de nous inspirer cet amour de préférence qui donne consistance et vie à une philanthropie condamnée à rester, sans lui, théorique, nébuleuse, impuissante. Avoir au cœur le sentiment de la dette que nous avons contractée à l’égard des ancêtres, la volonté de nous comporter en passeurs des trésors que nous avons reçus ».
Notre défi populiste, pour employer les grands mots, est de compléter une revendication souvent matérielle, pour ne pas dire matérialiste par une exigence civilisationnelle et identitaire. Les deux sont indissociables.
Quel regard portez-vous sur les Gilets jaunes ? Et le Référendum d’Initiative Citoyenne ?
Incontestablement il y a quelque chose de sympathique dans le mouvement des Gilets jaunes surprenant dans sa forme et son ampleur mais très prévisible quant au fond. Il est, en effet, une saine réaction de survie à la disparition programmée de la classe moyenne en France, un sursaut d’énergie vitale dont personne cependant ne voit très bien sur quoi il peut déboucher. Les « petits blancs » ont, enfin, compris que leur sort n’intéressait personne. Entre les gagnants de la mondialisation et les habitants des quartiers dits populaires pour ne pas dire allogènes », objet de l’attention constante des pouvoirs publics avec les moyens financiers qui vont avec, la France périphérique décrite par Christophe Guilluy a disparu des écrans de radar. Elle se révolte contre une classe politique corrompue et mondialisée plus à l’aise avec son associé de Singapour qu’avec son garagiste de Saint Rémy de Provence. Cependant ces classes populaires ont été dévoyées par des décennies de libéralisme avancé, de déséducation nationale, de matraquage audiovisuel, de socialisme plus ou moins rampant, etc. L’individualisme consumériste comme l’hédonisme post-soixante huitard y ont aussi produit leurs ravages, multipliant familles décomposées et solitudes multiples. L’atomisation familiale est, là aussi, une triste réalité. C’est tout un monde qu’il s’agit de reconstruire sur le vrai, le beau, le bien.
Quant au Référendum d’Initiative Citoyenne il veut être une réponse au système de démocratie confisquée dans lequel nous vivons. Les citoyens ont le sentiment que leurs votes ne sont pas pris en compte. C’est une réalité. En 2005 les Français ont rejeté, par référendum, une nouvelle avancée vers l’unification européenne qui leur a été imposée par Nicolas Sarkozy peu de temps après. De même le Grand Débat national organisé par Emmanuel Macron a été précisément circonscrit. L’avortement et la peine de mort sont, par exemple, des sujets qu’il est interdit d’aborder. Je ne crois pas que la légitimité d’une loi procède de son mode d’élaboration. D’ailleurs aucun catholique n’a le droit de penser cela.
La légitimité d’une loi résulte de sa fidélité à la loi naturelle et de son adéquation au service du bien commun. Je suis donc assez circonspect sur tout processus qui pourrait laisser penser que la source de la légitimité d’une loi reposerait sur son assentiment populaire. Cependant politiquement et ponctuellement il peut être utile de mettre nos adversaires face à leurs contradictions. Pourquoi pas, effectivement, un grand référendum sur l’immigration en ayant cependant toujours présent à l’esprit que les questions seront posées de manière orientées par des personnes acquises aux projets mondialistes des oligarchies financières.
Comment voyez-vous l’avenir de la France ?
Il faudrait être frappé de cécité absolue pour faire montre d’optimisme. Humainement la libanisation de notre pays semble inéluctable. Des communautés étrangères les unes aux autres se répartiront, de manière étanche, sur l’ensemble de notre territoire national. Les homosexuels investiront le quartier du Marais à Paris, les Algériens imposeront leur loi à Tourcoing, les Maliens à Montreuil, les Turcs à Mulhouse, etc. Même François Hollande s’en est aperçu, c’est dire si le phénomène est obvie, appelant à éviter la partition de la France. Les Français de souche deviendront, comme aux USA les WASP (White, Anglo-Saxon, Protestant), la première des minorités. Ils peupleront les espaces ruraux et seront atteints d’un tropisme occidental qui s’est déjà opéré en région parisienne. Quant à l’Eglise de France sa lente descente aux enfers n’est pas achevée. La pratique religieuse va continuer à baisser (cf l’excellent livre de Guillaume Cuchet : Comment notre monde a cessé d’être chrétien), le christianisme identitaire renforcera son poids au sein d’une structure en déclin (il reste 1,8% de pratique religieuse en France).
Cependant, ici-bas, rien n’est écrit. Il existe un imprévu en histoire. Sur le papier, les cités grecques ne pouvaient pas sortir victorieuses des guerres médiques. Heureusement pour nous il n’en fut rien. En revanche ce qui est prévisible et inéluctable ce sont les évolutions démographiques. En 1830 une France de 25 millions d’habitants peut subjuguer une Algérie musulmane de 3 millions d’habitants. Quand l’Algérie atteint 10 millions d’habitants, dont 1 million d’européens, et la France métropolitaine uniquement 40 millions l’opération devient plus difficile.
Que diriez-vous à un jeune chrétien qui souhaite s’engager ici et maintenant pour la « Renaissance catholique » de sa patrie ?
Je lui dirais qu’il s’agit d’être avant de faire. L’agir suit l’être nous dit la saine philosophie, qui n’est que la formalisation conceptuelle de l’observation de la réalité. Contentez-vous d’être enseignait André Charlier aux capitaines de son école de Maslacq. Il s’agit d’abord d’être des hommes, des vrais, des chrétiens authentiques et intégraux. Hommes de doctrine et de prière, disponibles à l’appel de la Providence pour témoigner de l’espérance qui est en eux.
S’engager ici et maintenant c’est d’abord refuser le romantisme, infantile, du coup de force et ensuite ne pas se bercer d’illusions sur le rêve, chimérique, du salut par les bonnes élections. Aucun changement majeur dans l’histoire de France n’a été le fruit de l’élection. C’est un fait. S’engager c’est d’abord accéder à un niveau de responsabilités dans la société civile cohérent avec ses capacités propre. C’est ensuite bâtir une famille stable, fidèle et enracinée qui permettra à chacun de contribuer, concrètement, à la pérennité de la France. C’est enfin, selon ses disponibilités et ses capacités, s’engager dans les œuvres, mouvements, organisations qui s’attachent à préserver et à enrichir notre héritage national et religieux. Qu’il me soit permis ici de rappeler qu’il n’existe jamais de conflit de devoir, mais une hiérarchie des devoirs. Quant à l’esprit qui doit nous animer laissons un saint religieux conclure : Celui qui pour Dieu ou pour ses frères refuse d’en faire plus, cesse d’en faire assez.
Propos recueillis par Julien Langella le 2 avril 2018.