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Guillaume Luyt

Percée de la droite aux législatives en Italie : avons-nous gagné ?


Entretien avec Guillaume Luyt, propos recueillis par Julien Langella.

Guillaume Luyt est une figure de la droite alternative française : en charge des camps Maxime Real Del Sarte et acteur de la Génération Maurras dans les années 80, il a ensuite été le responsable national du Front National de la Jeunesse dans les années 90 puis co-fondateur des Identitaires en 2002. Il vit désormais en Italie et nous apporte son regard sur l'actualité politique de nos voisins transalpins, marquée par la victoire aux législatives d'une large coalition de droite sur fond de colère populaire contre l'immigration-invasion.

Julien Langella : En France, les médias parlent de victoire d'une coalition de droite et d'extrême droite. Faut-il voir dans le résultat des élections italiennes une victoire des patriotes et des identitaires ?

Guillaume Luyt : En Italie, les médias parlent de victoire du populisme ou des partis anti-système. “L'extrême-droite”, ici, c'est Casapound et Forza Nuova et cela ne pèse guère plus d'1,5%...

Étant donné qu'aucun gouvernement cohérent ne sera formé car ni « la coalition de centre-droit » (c'est le nom donné depuis 20 ans à l'alliance de Berlusconi avec la Lega et les ex-ex-MSI) ni le Mouvement 5 étoiles (M5S) ne disposent de la majorité au Parlement, je crains que personne n'ait encore gagné. Toutefois, il n'y a aucun doute sur ceux qui sont les grands perdants des élections : la gauche et les évêques.

La gauche, qui a gouverné depuis 2011, sans avoir de majorité absolue !, paie le tribut de son arrogance et, surtout, de son divorce avec le peuple, en particulier sur les questions de l'immigration, de la sécurité et de la protection des plus faibles. Visiblement, la leçon française n'a été retenue par aucun des dirigeants issus du PD.

Les évêques paient leur compromission étroite avec la gauche : silence sur les lois sociétales tournant le dos à la loi naturelle ; églises ouvertes aux meetings du PD mais aussi d'Emma Bonino, pasionaria de l'avortement qui a passé sa vie à cracher sur l'Église ; dénonciations récurrentes du racisme et du populisme en pointant directement le doigt sur Matteo Salvini. Là encore, l'arrogance a sa part puisque les évêques italiens prétendaient peser sur les consciences de leurs ouailles alors qu'ils refusent au quotidien de prêter l'oreille à leurs inquiétudes (dissolution de la famille, laïcisme intransigeant, rapport à l'islam).

Julien Langella : Quelles leçons peut-on tirer de ce scrutin ?

Guillaume Luyt : Il y a plusieurs leçons à tirer de ces élections.

La première, c'est que les Italiens demeurent, en dépit du dégoût qu'ils affichent pour leur classe politique, un peuple profondément politique. La participation à ces élections est en ligne avec les précédentes : plus de 7 Italiens sur 10 se sont exprimés en dépit de modalités de scrutin nouvelles, en particulier le vote sur un jour alors que précédemment le vote se poursuivait le lundi. Faut-il rappeler que moins d'un Français sur deux a voté lors des dernières législatives ?

Je ne sais pas si, comme l'a proclamé la tête de liste du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, l'Italie est entrée dans sa Troisième République mais il est clair que le panorama politique est entièrement renouvelé. Droite et gauche « de gouvernement » sont en voie de disparition alors que, comme ailleurs en Europe et dans le monde, de nouvelles formations s'imposent, caractérisées par leur rapport direct et décomplexé avec le peuple. Lega et Mouvement 5 étoiles partagent des traits communs : une identité forte, un chef à poigne, un militantisme viral et un rapport conflictuel avec les médias. D'aucuns diront qu'il ne s'agit que d'un retour aux sources pour l'Italie puisque ce sont les caractéristiques du berlusconisme des années 90 – pour ne pas remonter à Mussolini – mais, au regard des 20 dernières années (depuis le gouvernement Prodi de 1996), c'est une rupture nette avec la bouillie sociale ou libérale-démocrate.

La troisième leçon, c'est que les mêmes causes produisent les mêmes effets : la trahison des élites suscite le réveil du peuple ; la pensée unique nourrit la dissidence ; le mondialisme tend la fibre patriotique.

Julien Langella : Que faut-il penser du Mouvement 5 étoiles, présenté comme populiste dans les médias, allié à Farage au Parlement européen, et désormais premier parti d'Italie ?

Guillaume Luyt : Il est difficile d'expliquer ce qu'est le Mouvement 5 étoiles car c'est un objet politique très étranger à notre pays. Né d'un Coluche italien, sur des thématiques entre le New Age et l'écologie, il connaît une ascension fulgurante puisqu'il n'est entré au Parlement italien que depuis 2013 et y dispose aujourd'hui du premier groupe en nombre d'élus. Pour faire simple, c'est à la fois l'expression d'un ras-le-bol et d'une espérance de renouveau. En dépit de nombreuses crises et de l'éloignement du fondateur, Beppe Grillo, c'est probablement le parti autour duquel finira par se recomposer la politique italienne. Les prochaines semaines seront décisives. Si Di Maio demeure intransigeant et refuse de constituer un gouvernement contre-nature – notamment en s'associant avec des dissidents du PD – alors le M5S finira par atteindre le seuil des 40% qui, selon la loi électorale actuelle, garantit la majorité absolue au Parlement. Il est déjà quasiment majoritaire dans le Mezzogiorno, le Sud qui, de Naples à Palerme, paie depuis 150 ans le prix de l'unité italienne.

Julien Langella : Alliée du FN, la Lega de Matteo Salvini a connu une progression remarquable : que faut-il en penser ?

Guillaume Luyt : Matteo Salvini est un bulldozer. Il a une qualité immense pour un chef politique : il dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit, sans se soucier du qu'en-dira-t-on. Il a pleinement assumé la mutation du parti : en gommant l'aspect régionaliste de la Lega, il lui a ouvert les portes du pouvoir non plus comme faire-valoir de Berlusconi, mais comme axe de la coalition de centre-droit. Les résultats sont là : la Lega talonne le PD, enregistre des scores respectables jusqu'en Sicile (plus de 5%) et a quadruplé ses voix par rapport à 2013 ! Surtout, et c'est à cela que se mesure aussi l'efficacité d'un engagement politique, il a su imposer ses thèmes de campagne : immigration, insécurité, précarité, fiscalité. Pour bien illustrer l'importance de son succès, je voudrais attirer votre attention sur l'extraordinaire résultat engrangé en Lombardie lors de l'élection régionale qui se tenait aussi dimanche. Alors que la capitale régionale, Milan, comme tant de grandes villes, est acquise à la gauche-caviar, et que le président sortant, Roberto Maroni, membre historique de la Lega que l'on dit en froid avec Salvini, avait refusé de se représenter, le candidat imposé par Salvini à Berlusconi, Attilio Fontana, a remporté l'élection en frôlant la majorité absolue et en faisant gagner 7 points au centre-droit. Son nom vous dit peut-être quelque chose car, lors de l'ouverture de la campagne, il y a deux mois, il avait fait les gros titres du monde entier pour avoir déclaré « la race blanche en danger ». Un franc-parler qui n'a pas fait fuir les électeurs.

Pour le reste, et comme pour Di Maio, je crains que Salvini n'ait pas les moyens de faire un gouvernement lui permettant d'appliquer librement son programme.

Julien Langella : Nous avons demandé à Guillaume Luyt de compléter cet entretien en réagissant à cet article du Figaro qui nous rappelle que lorsque la Lega Nord tenait le ministère de l'intérieur sous le gouvernement Berlusconi, elle avait favorisé le transit des immigrés vers le reste de l'Europe, en particulier la France.

Guillaume Luyt : L'Italie doit-elle faire le "sale" boulot de Bruxelles ? J'imagine que Salvini vous répondrait que l'intérêt des Italiens passe avant celui de Bruxelles. Au pays de Machiavel, c'est aussi un moyen de se soulager de l'urgence migratoire sur des pays qui refusent d'en prendre acte et qualifient de "raciste" toute force politique ou gouvernement décidé à contrôler les flux migratoires. La question est tout simplement de savoir où s'arrête le bien commun ? Aux frontières de la Padanie, à celles de l'Italie ou à celles de l'Europe ?

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