Cet article est paru sur le site Internet du journal d'opinion espagnol conservateur La Gaceta. Il nous paraît très intéressant dans les discussions actuelles sur les conditions de l'émergence d'une droite authentique en France. Ce texte présente l'intérêt de nous informer sur l'existence de forces politiques en Europe qui s'assument clairement « de droite » sans craindre de rejeter le libéralisme. Cela devrait interpeller les catholiques conservateurs de France, et les personnes de droite en général, qui rechignent à condamner le libéralisme par anticommunisme. Une troisième voie existe, contribuons à la dessiner !
« Notre doctrine économique est aussi éloigné du néolibéralisme que du socialisme », assure le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki
Cette idée que, politiquement, la droite est et sera toujours partisane du capitalisme a fini par se révéler erronée. Ce changement ne se fait pas en vain. À travers toute l’Europe, émergent des mouvements politiques embrassant une forme de conservatisme moral et social (tirant sa source du christianisme) et rejetant le phénomène de mondialisation néolibéral, qui prétend mettre fin aux frontières et se sert de l’immigration et des délocalisations industrielles pour pouvoir faire pression à la baisse sur les salaires.
Un parangon de ce mouvement conservateur est la formation politique qui s’est installé au gouvernement polonais : Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość). En effet, avec l’ancienne Présidente du Conseil des ministres Beata Szydlo, et l’actuel Premier Ministre Mateusz Morawiecki, le parti Droit et Justice a approuvé plusieurs lois nationales qui renforcent à la fois la famille et le droit à la vie, allant ainsi à l’encontre des principes fondamentaux du néolibéralisme.
Par exemple, le gouvernement de Droit et Justice a parrainé un projet de loi dont l’objectif était d’interdire l’ouverture des commerces le dimanche, de tel sorte que les salariés jouissent de plus de temps avec leur famille et que les petites boutiques ne sont pas phagocytées par les grandes surfaces. La mesure, qui aide à consolider l’unité familiale au sein du pays, est manifestement contraire aux principes du capitalisme. Dans ce sens, l’exécutif polonais a mis en place depuis plus d’un an un plan d’aide aux familles de plus d’un enfant : plan baptisé « 500+ », grâce auquel les familles reçoivent un montant de 500 zlotys net d’impôts pour chaque enfant né après le premier. Cette méthode, dont l’objectif est d’inciter à la natalité, a été constamment critiqué par les partis libéraux du pays, qui considère cette dépense étatique injustifiée.
Ni socialisme, ni capitalisme
Ce refus de la doctrine libérale reste également mis en évidence par les déclarations de l’actuel Premier Ministre polonais, Mateusz Morawiecki. Peu de jours après être arrivé au pouvoir, il a manifesté son ambition de construire un modèle économique permettant aux travailleurs de profiter de salaires convenables et de plus de temps pour les familles : « Nous ne voulons pas que les polonais travaillent de longues heures, nous voulons qu’ils travaillent efficacement. Nous voulons qu’ils profitent de plus de temps pour leur famille, pour leurs proches… Ceci est notre objectif pour notre stratégie de développement. »
Morawiecki, qui a déjà manifesté à plusieurs occasions de maintenir son intention de maintenir en l’état la politique migratoire de son prédécesseur (allant à l’encontre de la volonté de Bruxelle), a synthétisé il y a quelques jours l’essence de sa politique économique : « Notre doctrine économique est autant éloignée du socialisme que du libéralisme », laissant ainsi la porte ouverte à une troisième voie plus en adéquation avec la doctrine sociale de l’Eglise.
Les femmes et le marché du travail
Dans cette logique, le Président du Conseil des Ministres polonais a également réfléchi sur le besoin pour la femme de pouvoir choisir de consacrer ses efforts, sa vie, au travail domestique. « De manière raisonnable, nous devons aider nos femmes - épouses, filles, mères, sœurs - autant à leur poste de travail que dans la vie quotidienne. Et montrer que, lorsque nous parlons de maltraitance, d’oppression ou d’injustice, nous ne les tolérons d’aucune manière que ce soit. »
En Hongrie et en Pologne, nous rencontrons une droite qui s’est rendu compte que le libéralisme est aussi nocif et pernicieux que le socialisme pour les valeurs chrétiennes. Comme l’a déjà mis en garde l’écrivain anglais Hilaire Belloc, le capitalisme se développe mieux dans un contexte d’anarchie morale.
Julio Llorente, 28 décembre 2017, gaceta.es