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Photo du rédacteurJulien Langella

Notre Dame de Guadalupe : une apparition identitaire


Apparition de Notre Dame à Juan Diego, en bas à droite : la tête d’une idole païenne.

Apparition de Notre Dame à Juan Diego, en bas à droite : la tête d’une idole païenne.

Hier mardi 12 décembre, nous avons fêté les apparitions de la Vierge Marie sur la colline de Tepeyac, au nord-ouest de Mexico, au pauvre Indien Juan Diego Cuauhtlatoatzin, âgé de 57 ans et tout juste baptisé.

Le contexte historique

Cette apparition survient en 1531, dix ans après la victoire finale de Hernan Cortes et de quelques centaines d’Espagnols, aidés de leurs alliés indiens, sur l’empire aztèque du roi Montezuma. La bataille finale de Tenochtitlan (l’actuelle Mexico, du nom de la tribu dominante de l’empire : les mexicas) eut lieu du 30 mai au 13 août 1521 et fut un sommet d’affrontement militaire. À un siège naval peu commun (Tenochtitlan est construite sur pilotis à partir de quelques rochers sur le lac salé de Texcoco) succèdent des combats d’infanterie féroces, où les Espagnols conquièrent pied à pied les ruelles de la capitale païenne.

Vingt ans après, soit dix ans après les apparitions, le Mexique aztèque (le centre et le nord, soit déjà plusieurs fois le territoire français) est converti au catholicisme. Les Mayas résisteront plus longtemps, jusqu’en 1697 pour la dernière citadelle maya, Tayasal, ou Noj Petèn, bâtie elle aussi sur un lac, au sud de la péninsule du Yucatan dans l’actuel Guatemala (aujourd’hui : Flores). La religion des Aztèques était sanguinaire : pour nourrir la course du dieu soleil et assurer la stabilité de l’univers, des humains de tout âge étaient livrés en pâture lors de sacrifices réalisés à une échelle industrielle, comme en 1487, lors de la consécration d’un nouveau temple à Mexico, où 80 000 personnes furent sacrifiées en quatre jours de cérémonies diaboliques.

Les aspects identitaires de cette apparition

Sans rentrer dans le récit détaillé de ces apparitions (dont la lecture vaut le détour !), qui a été rédigé dès le XVIe siècle par un Indien, il faut savoir que la Vierge est apparue plusieurs fois à Juan Diego pour lui demander de transmettre son message à l’évêque de Mexico, Juan de Zumarraga : « J’aimerais qu’une église soit érigée ici, rapidement, afin que je puisse vous montrer et vous donner mon amour, ma compassion, mon aide et ma protection, parce que je suis votre mère miséricordieuse, à vous, à tous les habitants de cette terre et à tous ceux qui m’aiment, m’invoquent et ont confiance en moi. J’écoute leurs lamentations et je remédie à leurs misères, leurs détresses et leurs peines. »

1. La Vierge a des yeux légèrement bridés, en amande, selon le type physique des indigènes mexicains. Cela montre bien que le Bon Dieu, pour parler aux hommes, veut passer par les nations, les cultures, les identités : depuis l’Ancien Testament, cette épopée nationale du peuple hébreu, jusqu’au culte du Sacré-Coeur de Jésus que Celui-ci demanda d’être représenté sur les armes de France (apparition à Marguerite-Marie Alacoque au XVIIe siècle).

2. La robe de la Vierge est recouverte de motifs à fleurs dont le mouvement dynamique et courbe rappelle le style artistique indigène, observable sur la plupart des stèles mexicaines, avec ses entrelacs qui évoquent la végétation dense et entremêlée de la forêt tropicale (surtout en pays maya). Le Bon Dieu, peintre de ce tableau admirable, utilise donc les références artistiques des indigènes pour leur parler : parler à leur cœur, c’est-à-dire à leur sensibilité, fille de la mémoire historique.

Imprimé miraculeux de l’apparition sur la robe de Juan Diego et stèle maya.

3. La Vierge apparaît toujours à Juan Diego sur la colline de Tepeyac, au sommet de laquelle elle multiplie le miracle, comme celui de ses roses multicolores qui poussent en plein hiver.

Par ailleurs, son apparition sublime le terroir local : « Les mezquites, nopales et autres mauvaises herbes qui poussent à cet endroit, paraissaient comme des émeraudes, leurs feuillages comme des turquoises, leurs branches et leurs épines brillaient comme de l’or. »

La quatrième et dernière apparition à Juan Diego a lieu alors que ce dernier souhaite éviter la colline pour aller visiter son oncle malade. Sa naïveté est touchante : « il se dit“Si je continue ce chemin, la Dame va sûrement me voir, et je pourrais être retenu afin que je puisse porter le signe au prélat comme convenu ; mais notre premier souci est d’aller rapidement appeler un prêtre car mon oncle l’attend certainement”. Il fit donc le tour de la colline afin qu’il ne puisse être vu par elle qui voit bien partout. »

La Vierge descend pour rejoindre l’Indien et le ramener en haut de la colline, comme en lui prenant la main : « Grimpe, ô le moindre de mes fils , jusqu’au haut de la colline; là où tu m’as vue et où je t’ai donné des instructions, tu verras différentes fleurs. Coupe-les, cueille-les, rassembles-les et puis viens les porter devant moi. » Le choix d’un lieu précis est capital dans la pédagogie divine : le Bon Dieu envoie la Vierge sur un lieu choisi à dessein, comme autrefois Il choisit une crèche à Béthléem, le fleuve du Jourdain, le Golgotha ou la colline du Vatican comme terreau pour enraciner Son Eglise.

4. La Vierge parle en nahuatl à Juan Diego et se présente à son oncle comme « Sainte Marie de Guadalupe », qui vient du mot coatlaxopeuh en nahuatl, se prononçant « quatlasupe » et signifiant : « celle qui écrase le serpent ». Guadalupe est un toponyme espagnol de la province d’Estrémadure, au sud de la péninsule ibérique, d’où venaient la plupart des conquistadors espagnols et où se trouve un monastère et une statue du même nom. Ainsi, « Guadalupe » pourrait être une déformation involontaire de coatlaxopeuh. Ou bien le choix de la similarité entre les deux termes est volontaire, le Bon Dieu voulant consacrer le rapprochement des Espagnols et des indigènes au profit de la future nation mexicaine. Ce qui donnerait un caractère identitaire supplémentaire à cette apparition, l’inscrivant dans l’histoire de l’unité nationale. Et de fait, que c’eut été la volonté du Seigneur ou non, Notre Dame de Guadalupe est la figure majeure de l’identité mexicaine.

Quoi qu’il en soit, l’usage de la langue native des Indiens par la Vierge atteste une fois de plus de l’enracinement culturel profond sur lequel le Bon Dieu souhaite faire reposer l’action du Saint Esprit en Amérique. Comme à la Pentecôte, quand les personnes rassemblées entendent les apôtres parler dans la langue de chacune, la grâce opère par le canal de l’identité.

Conclusion

Nous avons délibéremment retenu quatre éléments phares de cette apparition. Mais nous aurions pu mentionner les observations de la NASA sur l’image imprimée, « en lévitation » au dessus du tissu, ou encore le miracle des yeux de la Vierge (dans lesquels se reflètent Juan Diego et d’autres personnes, comme une photographie de la scène faisant face à Marie). Les scientifiques découvrent régulièrement de nouveaux détails sur ces miracles, multipliant le nombre de ces derniers !

Enfin, l’étendard de Notre Dame de Guadalupe fut celui des cristeros, ces catholiques de la fin des années vingt qui se révoltèrent contre les persécutions anti-chrétiennes lancées par le président franc-maçon Calles.

¡ Viva Cristo Rey ! ¡ Viva la Virgen de Guadalupe !

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